UNION INTERNATIONALE DES TELECOMMUNICATIONS INTERNATIONAL TELECOMMUNICATION UNION UNIÓN INTERNACIONAL DE TELECOMUNICACIONES Montpellier, le 17 novembre 1994 Nouvelles frontières, nouvel espace des télécommunications Conférence IDATE 94 Allocution de clôture de M. Pekka Tarjanne, Secrétaire général de l'UIT Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, 1 C'est un grand honneur pour moi de prendre la parole devant cette importante conférence internationale en cette époque où le "présent" rencontre le "futur", où la révolution des télécommunications et des techniques de l'information façonne la société mondiale de l'information et gomme les frontières traditionnelles. Permettez-moi de féliciter les organisateurs de cette éminente tribune internationale à laquelle l'UIT a toujours, depuis 1979, porté un intérêt particulier. Connue depuis plus de dix ans pour ses études et ses recherches novatrices, l'IDATE met en relief les télécommunications dans leurs différentes dimensions, industrielle, juridique, économique, technique et sociologique. Véritable référence pour l'analyse stratégique, l'IDATE contribue à mieux faire comprendre les télécommunications et permet aux responsables de l'industrie, aux hommes politiques, aux chercheurs, aux prestataires de services et aux utilisateurs d'échanger leurs points de vue sur les réponses à apporter aux défis de la société de l'information de demain. 2 Le contenu des présentations et des débats m'incite à souscrire à la "vision" que vous nous avez décrite ces deux derniers jours. J'ai constaté avec satisfaction l'existence de nombreuses convergences avec les vues qu'ont exprimées les Membres de l'UIT à la Conférence de plénipotentiaires de Kyoto qui s'est terminée il y a juste un mois. La convergence des techniques de l'information, du multimédia et des télécommunications rend impératif d'élaborer des plans stratégiques et des solutions adaptés à un nouvel environnement qui rapprochera les hommes et éliminera les barrières. Les télécommunications peuvent être considérées comme un élément ou comme le moteur du changement, comme un défi permanent. Leur fort potentiel d'innovation et leur diversité en font une source incomparable de renouveau et d'harmonie - parfois aussi de bouleversements - dans de nombreux domaines de notre vie. Par leur dynamisme technologique et leur dimension universelle, elles influent sur les modes de vie et les cultures traditionnels, qu'elles contribuent à mieux faire connaître mais qu'elles exposent aussi davantage. L'augmentation des flux d'information modifie, non seulement la vie politique traditionnelle, mais aussi les structures sociales, l'activité économique et commerciale, l'éducation et plus généralement les mentalités. Comme le montrent très bien les thèmes que vous avez évoqués, les solutions d'hier ne sont plus d'actualité et les modèles d'hier ne sont plus adaptés à la réalité d'aujourd'hui. 3 Il n'y avait autrefois guère de raisons de se préoccuper des répercussions sociales des télécommunications, dont les conséquences étaient globalement et uniformément positives; en effet, elles favorisaient le développement économique, contribuaient à créer des emplois, facilitaient la communication au sein de la société et amélioraient l'organisation des services d'urgence et de secours en cas de catastrophe. Or, depuis quelques années, on craint de plus en plus que le progrès des télécommunications n'ait pas que des effets bénéfiques: les suppressions d'emplois et l'envahissement de la vie privée résultant, entre autres, de l'innovation dans les télécommunications peuvent certes inquiéter, voire exaspérer certains. Mais ces mêmes personnes n'en sont pas moins de futurs citoyens d'un village planétaire qui devrait leur permettre de communiquer plus facilement et d'accéder aux informations dont elles ont besoin. L'incidence qu'a l'accès aux services de télécommunication sur les droits fondamentaux de l'homme constitue désormais une nouvelle frontière importante pour l'analyse et l'investigation. Dans le monde d'aujourd'hui, télécommunications et démocratie semblent être "inséparables". Nous constatons aujourd'hui que les stratégies de restructuration, de modernisation et de libéralisation du secteur des télécommunications varient grandement d'un pays à l'autre dans le cadre d'une vision plus large du développement. Une vague de réformes déferle sur un nombre croissant de pays, réformes adaptées aux conditions socio-économiques de chacun d'entre eux et ouvrant de nouvelles perspectives d'amélioration des communications et de diffusion des connaissances. Coordonner les politiques de télécommunication, la planification stratégique et les accords de réglementation, compte tenu des nouveautés que sont l'intensification de la concurrence et la participation du secteur privé, constitue une tâche gigantesque et un objectif ambitieux. 4 L'investissement privé est encouragé par la promesse de débouchés commerciaux, par l'existence de principes de gestion rigoureux et d'une politique des télécommunications axée sur l'économie de marché. De nouveaux exploitants et prestataires de services, ainsi que d'autres organismes de télécommunication sont à même de démontrer qu'ils sont rapidement rentables et capables de s'autofinancer pour une grande partie. A l'échelle mondiale, il est indispensable de créer un environnement attractif, stable et favorable au développement des télécommunications, reposant sur des fondements réglementaires solides, un environnement qui protège et encourage la réalisation des objectifs sociaux dans un contexte concurrentiel. Les secteurs monopolistiques du marché sont appelés à devenir l'exception plutôt que la règle. Les restrictions qui limitent actuellement l'accès au marché pour des raisons tenant à l'histoire, à des impératifs d'efficacité et d'économie, à l'obligation de service universel ou à la souveraineté nationale disparaîtront les unes après les autres. Etre partenaire du secteur privé c'est avoir pour interlocuteurs les fabricants d'équipements et les fournisseurs de services, les institutions financières et les associations d'usagers du secteur des télécommunications. La notion de partenariat a deux corollaires: premièrement, la participation directe au développement des télécommunications dans les différents pays et, deuxièmement, la coopération multilatérale dans le cadre d'une participation accrue aux activités de l'UIT. Il est absolument nécessaire d'unir les forces convergentes si nous voulons relever les grands défis que nous impose le développement mondial des télécommunications en repoussant ou en évitant les frontières, partout où elles existent encore. 5 La rapidité des progrès et la convergence des techniques des télécommunications, de l'informatique, de la radiodiffusion et de l'information redessinent les frontières du secteur des télécommunications, donnent naissance à de nouveaux produits et à de nouveaux services et posent des questions inédites aux autorités gouvernementales chargées des politiques et de la réglementation. Avec la conception de systèmes perfectionnés de communication de Terre et mobile par satellite et de systèmes de communication multimédia, un certain nombre de problèmes vont se poser quant aux priorités et à la façon dont les avantages de ces systèmes pourront être étendus aux pays en développement. Partout dans le monde, des consortiums de télécommunication naissent d'alliances ou de fusions entre exploitants nationaux, donnant lieu à l'apparition de systèmes entièrement nouveaux, notamment les réseaux mobiles à satellite destinés à assurer une couverture mondiale au moyen de terminaux portatifs appelés à bouleverser radicalement la nature des télécommunications internationales. 6 L'harmonisation des politiques régissant les systèmes mondiaux de télécommunication sera l'un des problèmes nouveaux les plus importants et les plus difficiles auxquels l'UIT sera confrontée au cours de la prochaine période interplénipotentiaire. L'UIT continuera à jouer son rôle d'instance où des normes techniques et d'exploitation seront mises au point pour les systèmes mondiaux, où des fréquences seront attribuées aux services assurés par ces systèmes. L'échange d'informations techniques et la mise en commun des expériences dans le domaine de la réglementation faciliteront la détermination des orientations politiques nationales en ce qui concerne les options d'infrastructure, le rôle de la concurrence, l'octroi de licences et l'adaptation des régimes réglementaires. Le progrès technique et la mondialisation des télécommunications ont unifié les marchés mondiaux - financiers, monétaires et des produits de base - pour en faire des systèmes d'échanges commerciaux "en temps réel" et ont modifié la répartition du travail entre pays avancés et pays en développement dans les secteurs de la fabrication et des services. Les participants à l'Uruguay Round (négociations du GATT), qui vient de s'achever, ont vu dans les télécommunications la clé de l'expansion du commerce des services et de l'amélioration des échanges dans d'autres secteurs. Ces tendances conduisent d'autres organisations internationales, en particulier la nouvelle Organisation mondiale du commerce (OMC), à prendre des décisions ayant trait aux télécommunications. Pour continuer à jouer le rôle de premier plan qui est le sien, l'UIT doit coordonner ses activités avec ces organisations au service des objectifs communs de l'humanité. 7 Dans ce monde où coexistent encore nantis et démunis, le développement des télécommunications ne devrait plus être considéré uniquement en termes d'assistance fournie par les pays développés aux pays en développement, mais dans le contexte beaucoup plus large d'un développement mondial durable. Dans cette perspective, il est étroitement lié aux autres éléments du développement économique et social. Ces deux formes de développement se renforcent mutuellement et devraient viser à préserver et à améliorer l'environnement naturel et humain tout en ayant pour objectif fondamental de favoriser l'accès universel aux services de télécommunication, ne s'agirait-il que des services de base. Il y a dix ans maintenant, la Commission Maitland suggérait à l'UIT d'atteindre cet objectif avant l'an 2000. Bien que des progrès notables aient été accomplis dans certains pays en développement, la situation n'a pratiquement pas évolué dans les quelque 50 pays les moins avancés. Mais dans l'ensemble, en dépit des apparences, l'écart entre pays avancés et pays en développement s'est en fait creusé. Combler l'écart entre les pays les moins avancés et les autres pays en développement et entre le monde développé et le monde en développement ne pourra se faire qu'au prix d'un effort concerté de la part des Membres de l'UIT et des secteurs public et privé ainsi qu'entre l'UIT et les autres organisations internationales et régionales. 8 A l'heure actuelle, l'UIT est la seule organisation internationale ayant une connaissance technique approfondie des télécommunications, non seulement parce que ses pays Membres sont représentés par des administrations des télécommunications, mais aussi parce que les principaux fournisseurs mondiaux de biens et de services de télécommunication participent très activement à ses travaux. A la suite des changements intervenus dans la structure du secteur mondial des télécommunications, dans les politiques publiques et dans les cadres législatifs, les institutions réglementaires jouent maintenant un rôle encore plus déterminant. Afin de renforcer sa mission dans les domaines de la politique, de la législation et de la réglementation des télécommunications, l'UIT doit s'affirmer comme un partenaire crédible auprès des fournisseurs de services et des fabricants d'équipements qui animent l'expansion des télécommunications à travers le monde ainsi qu'auprès des investisseurs privés et des institutions publiques qui disposent des ressources financières nécessaires à la mise en oeuvre des programmes de développement des infrastructures et de développement économique et social. 9 La Conférence de plénipotentiaires de Kyoto a marqué un tournant dans la définition de la stratégie d'ensemble que l'Union doit appliquer pour répondre à ces défis fondamentaux. Pour la première fois, la Conférence a adopté un seul et même document définissant les stratégies et les priorités de l'Union dans un environnement en constante évolution. Les principales décisions de la Conférence se traduisent par: - la participation accrue du secteur privé et d'autres organisations aux activités des Secteurs de l'UIT; - l'élargissement du champ des activités de l'Union qui va désormais porter plus d'intérêt aux questions de politique générale; - le renforcement de l'influence de l'Union; et - une plus grande priorité accordée au développement. Les Membres se devant de réexaminer en permanence leurs politiques et leur législation en matière de télécommunication et de les coordonner avec leurs autres partenaires dans un environnement des télécommunications qui évolue rapidement, la Conférence de plénipotentiaires a créé le Forum mondial des politiques de télécommunication qui permettra aux Membres de l'UIT de débattre de questions de politique générale de télécommunication, sans que cela débouche sur des dispositions réglementaires obligatoires. La priorité pour la période 1995-1999 est la conclusion d'alliances stratégiques avec d'autres organisations internationales ou régionales exerçant une influence importante sur le développement des télécommunications et, plus particulièrement au niveau international, l'établissement d'une coopération avec l'OMC, récemment créée, l'OCDE, la Banque mondiale et l'UNESCO. Dans sa mission de développement, l'UIT doit faire preuve d'un plus grand dynamisme compte tenu du nombre considérable et de l'urgence des besoins à satisfaire. Le Plan d'action de Buenos Aires, adopté en mars dernier par la Conférence mondiale de développement des télécommunications, ne saurait être mis en oeuvre sans un effort concerté de toute la communauté internationale. Le programme de travail, avec ses objectifs ambitieux, doit être appliqué de toute urgence dans les limites des ressources disponibles en coordination avec tous les partenaires de développement. 10 Kyoto a marqué un pas important sur la voie d'une plus grande ouverture et d'une transparence accrue de l'organisation. L'Union ne saurait véritablement remplir son objet, tel qu'il est défini dans sa Constitution et sa Convention, sans la participation du secteur privé, sans la participation accrue et complémentaire d'entités et d'organisations autres que les administrations. Elle ne saurait non plus y parvenir sans une concertation permanente avec les représentants de l'industrie, pour faire en sorte que leurs contributions se traduisent par des résultats concrets. Le partenariat entre le secteur public et le secteur privé est une formule d'avenir qui répond à une évolution logique; il constitue par conséquent un impératif fondamental de la politique stratégique de l'UIT. La Conférence de Kyoto a ouvert de nouveaux horizons. Face à l'évolution des rôles et des besoins des gouvernements et de l'industrie mondiale des communications, elle a pris conscience de la rapide désintégration des barrières et des frontières du passé, inspiré par ce qu'il est désormais convenu d'appeler l'esprit de Kyoto. Je forme des voeux pour que les télécommunications mondiales aident à créer un village véritablement planétaire où rien ne fera obstacle à la circulation de l'information, où les seules frontières seront les limites de la connaissance et où la créativité sera notre aspiration commune. Merci. ____________________ - 5 -