Les opérateurs de réseaux virtuels mobiles


Que sont les MVNO?*

Le concept d'opérateur de réseau virtuel mobile (mobile virtual network operator — MVNO) est relativement récent. Les avantages et les inconvénients associés à toute démarche de réglementation de ces nouveaux opérateurs ont été abordés pour la première fois à l'échelle internationale dans le cadre des activités de l'atelier de planification stratégique organisé par l'UIT sur le thème des licences d'exploitation des systèmes mobiles de la troisième génération (Genève, 19–21 septembre 2001).

A ce jour, il n'existe pas encore de consensus sur ce qu'est un MVNO. D'une manière générale, les MVNO seraient par définition des opérateurs proposant des services mobiles aux utilisateurs finals sans disposer pour autant d'une licence nationale d'exploitation des fréquences radioélectriques qu'ils exploitent. En fait, un MVNO a accès à un ou, en théorie, éventuellement à plusieurs éléments de l'infrastructure radio typique d'un opérateur mobile et il est en mesure de proposer ses services à ses abonnés en utilisant cet élément ou ces éléments — chaîne de transmission radioélectrique, fonctions de commande des divers maillons, ou encore fonctions de gestion de la mobilité, qui permettent de connaître exactement la position des portables et donc d'acheminer le trafic qui leur est destiné.

Selon certains analystes comme la société Pyramid Research, un MVNO est une entreprise qui propose des services de téléphonie mobiles et des services de communication de données mobiles à des utilisateurs finals dans le cadre d'un accord d'abonnement sans disposer d'un accès officiel aux licences. Cette définition précise par ailleurs que les MVNO négocient donc l'acquisition de la capacité excédentaire qu'ils vont revendre à leurs clients dans le cadre d'accords commerciaux avec des opérateurs de réseau mobile titulaires d'une licence.

* Cet article a été réalisé sur la base d'un document intitulé «Licensing of third generation (3G) mobile: Briefing Paper», établi par Patrick Xavier, de l'Ecole de commerce de l'Université technique de Swinburne (Melbourne, Australie) (pxavier@swin.edu.au)  en vue de l'Atelier de l'UIT sur la planification stratégique (Genève, 19-21 septembre 2001).

Au Royaume-Uni, l'Oftel (Office of Telecommunications), instance nationale de réglementation, considère que les MVNO assument le rôle d'organisations qui proposent des services mobiles sans disposer de cartes SIM propres. La Figure 1 schématise l'interface entre un MVNO et le réseau de télécommunication.

La diversité de ces définitions montre que la nature des MVNO est très variable, selon le degré d'utilisation de l'infrastructure du réseau mobile hôte. Jusqu'ici, les MVNO ont toujours obtenu l'accès au réseau hôte dont ils dépendaient à la faveur de négociations commerciales. Par exemple, Virgin Mobile, qui a établi sa présence dans plusieurs pays du monde (voir l'encadré page 18) depuis son apparition sur le marché du Royaume-Uni en novembre 1999, ne dispose toujours pas d'un centre de commutation mobile propre, ni d'un indicatif de réseau mobile spécifique, alors que cet opérateur est généralement considéré par les utilisateurs finals comme un véritable opérateur et qu'il semble faire concurrence «à armes égales» aux opérateurs qui ont leurs propres infrastructures.

Pour certains analystes, la réglementation devrait faciliter le fonctionnement des MVNO qui offrent aux consommateurs une large gamme de services et d'applications à moindre coût, ce qui se traduit par une utilisation plus efficace du spectre. Pour d'autres observateurs, il y a suffisamment de concurrence sur le marché des communications mobiles, et, alors que l'arrivée prochaine des opérateurs 3G va encore intensifier cette concurrence, il est inutile d'envisager une intervention réglementaire en faveur des MVNO.



Figure 1 MVNO: configuration de trafic


Source:
Ovum



MVNO et réglementation: la situation actuelle

Les instances de réglementation ont actuellement des opinions très variables quant aux MVNO. Dans bon nombre de pays, les services de réglementation se demandent encore si (et dans l'affirmative, dans quelle mesure) une intervention réglementaire, au niveau notamment des prix et des conditions d'accès, est nécessaire.

Un certain nombre d'arguments ont été avancés à la fois pour et contre une réglementation concernant les MVNO. Dans les pays de l'Union européenne, les directives sur la réglementation des télécommunications ne font actuellement pas obligation aux exploitants de réseaux 3G titulaires d'une licence d'autoriser l'accès des MVNO.

Les tenants d'une réglementation font valoir que les opérateurs de réseau mobile gèrent les fréquences radioélectriques disponibles, c'est-à-dire une ressource qui, étant déjà limitée, peut être utilisée pour bloquer l'accès de nouveaux opérateurs de réseau mobile. Ils ajoutent que les opérateurs de réseau mobile sont en général peu enclins à assurer l'accès des MVNO en l'absence d'une réglementation contraignante, et que par ailleurs la réglementation actuelle du marché du mobile est peu efficace, de sorte qu'il serait peut-être très judicieux de prévoir une réglementation concernant les MVNO. Les opérateurs de services mobiles disposent de marges bénéficiaires très élevées, qui peuvent atteindre 25%. La réglementation actuelle, telle qu'elle est interprétée par certaines instances nationales de réglementation, leur donne déjà le pouvoir d'exiger l'accès de la part des opérateurs en place.

Les arguments invoqués contre toute forme d'intervention réglementaire reposent sur le fait que les avantages apportés par les MVNO ne sont pas encore établis et qu'il n'est pas vraiment prouvé que le marché fonctionne mal. Le marché du mobile est par nature compétitif et n'appelle donc pas de réglementation. Dans l'industrie, aucun consensus ne se dégage en faveur de l'accès des MVNO, et l'on redoute même que les MVNO n'en viennent à décourager les investissements dans les réseaux mobiles (à la fois de la deuxième et de la troisième génération).

Selon d'autres arguments contre l'intervention réglementaire, on peut se demander si le fait de réglementer par exemple l'accès indirect aux réseaux 3G entraînerait vraiment une amélioration de la situation sur le plan de la concurrence.

Comparaison avec le dégroupage de la boucle locale

Les analystes qui s'opposent à l'obligation d'assurer l'accès des MVNO aux réseaux 3G font valoir que la situation n'est pas comparable au «dégroupage de la boucle locale» dans les réseaux fixes. Plusieurs opérateurs et services de réglementation envisagent déjà d'établir un parallèle entre d'une part l'accès des MVNO aux réseaux mobiles et, d'autre part, le dégroupage de la boucle locale dans les réseaux fixes. Mais ces mêmes opposants soulignent alors que le dégroupage de la boucle locale procède du souci de susciter la concurrence sur le marché local et au niveau des accès, de sorte que les futurs marchés du large bande ne soient pas, à long terme, dominés par un opérateur historique devenant de fait un opérateur exclusif (mis à part les câblo-opérateurs), alors que l'accès des MVNO pose un problème beaucoup plus complexe.

Le degré de concurrence sur les prix qui résultera de l'accès des MVNO dépendra des modalités et conditions selon lesquelles cet accès aux réseaux mobiles sera accordé. Vraisemblablement, il faudra une intervention réglementaire pour déterminer les prix, modalités et conditions d'accès des MVNO aux réseaux des opérateurs titulaires d'une licence, car certains signes donnent d'ores et déjà à penser que les négociations commerciales ne seront pas faciles à faire aboutir.

L'Oftel a récemment mené une étude ayant pour objet de faire le point sur l'état actuel des politiques relatives aux MVNO dans d'autres pays d'Europe. Il ressort de cette étude qu'à quelques exceptions près, les instances de réglementation européennes n'ont guère progressé en la matière. Les problèmes associés au concept de MVNO n'ont pas encore été abordés de façon vraiment détaillée, si bien que la plupart des services de réglementation ne sont pas encore en mesure de se prononcer catégoriquement en matière de politique. Pour citer un extrait de cette étude, «les exceptions sont les services de réglementation du Danemark, de la Norvège et de la Suède — dans ces trois pays, un certain nombre de différends concernant le concept de MVNO ont été officiellement tranchés en réponse aux demandes formulées par une organisation dénommée Sense Communications (prestataire norvégien de services de base)». Sense Communications a entrepris de négocier l'accès à des créneaux temporels auprès des opérateurs, qui sont actuellement peu enclins à accorder cet accès (Sense Communications souhaitait d'ailleurs utiliser son propre code de réseau mobile et ses propres cartes SIM).


Virgin Mobile Exemple de MVNO

Un exemple type des opérateurs MVNO nous est donné par Virgin Mobile, coentreprise 50/50 constituée par le Virgin Group et One2One. Virgin acquiert ses créneaux temporels et sa capacité de réseau auprès de One2One, dans des conditions «de gros», et revend ces créneaux et cette capacité à ses clients. A l'inverse d'un revendeur pur, Virgin assume des rôles et des responsabilités qui sont traditionnellement ceux d'un opérateur de réseau à part entière (notamment distribution de cartes SIM). Virgin Mobile propose à la fois des services de téléphonie mobile traditionnelle et des services à valeur ajoutée. Son succès s'explique, pour l'essentiel, par une plate-forme de distribution et de vente intégrée rassemblant le centre d'appel, le serveur web et un grand nombre de points de distribution.

Virgin Mobile compte plus de 675 000 clients au Royaume-Uni, qui comptent pour environ huit pour cent du réseau One2One, et cherche à développer son exploitation à l'échelle internationale. Depuis le lancement du service au Royaume-Uni, un certain nombre d'opérateurs du monde entier ont approché le groupe Virgin en vue de constituer des coentreprises pour exploiter divers marchés. Virgin Mobile a déjà établi sa présence aux Etats-Unis, en Australie et à Singapour et se propose d'opérer sur tous les grands marchés européens d'ici à la fin 2002.

Dans la région administrative spéciale de Hong Kong, l'OFTA (Office of the Telecommunications Authority) a déclaré que les réseaux 3G devraient s'ouvrir aux MVNO. Dans un document analytique reprenant les éléments rassemblés à la faveur d'une consultation générale dans l'industrie, l'OFTA propose un cadre d'octroi de licences 3G reposant sur un critère de «réseau ouvert», selon lequel les fonctions de prestation de services 3G d'une part et d'exploitation des réseaux d'autre part seraient séparées, ce qui permettrait d'accroître la concurrence au niveau des services et d'offrir aux clients de meilleures conditions de choix et de prix. Les soumissionnaires retenus pour l'octroi des licences 3G qui seront délivrées en septembre 2001 seront tenus de réserver au moins 30% de la capacité de leurs réseaux aux MVNO non officiels ainsi qu'aux fournisseurs de contenu et aux prestataires de services. Par ailleurs, tout candidat retenu exploitant déjà un réseau de la deuxième génération devra accepter d'offrir un service d'itinérance national à tous les nouveaux venus.

Principes de détermination des prix

Un opérateur MVNO accédant au marché des 3G pourra recourir à un certain nombre de stratégies. Les MVNO ayant déjà consenti des investissements substantiels dans les infrastructures et les installations nécessaires pour la prestation de services de la troisième génération auront besoin d'importants moyens d'interconnexion avec les réseaux fixes et les réseaux mobiles et ne dépendront des réseaux mobiles que pour les services minimaux qu'ils ne pourront pas offrir eux-mêmes du fait qu'ils ne disposent pas de licence d'utilisation des fréquences. Ces MVNO auront sans doute besoin d'utiliser les éléments radio des opérateurs de réseaux 3G et les éléments fixes des réseaux nécessaires pour l'acheminement du trafic entre les éléments radio de l'opérateur disposant d'une licence et le point d'interconnexion à partir duquel le trafic peut être acheminer jusqu'au réseau MVNO.

A l'autre extrême, les MVNO essentiellement vendeurs de capacité de réseau 3G «en gros», n'ayant investi qu'un minimum de ressources dans l'infrastructure, concentreront leurs activités et leurs investissements dans la commercialisation, le service à la clientèle et la facturation. Il appartiendra alors aux opérateurs titulaires de licences d'assurer les opérations de vérification et les fonctions de base de données requises pour l'acheminement d'un appel par un client MVNO, et notamment d'acheminer le trafic jusqu'à un réseau de terminaison. Les opérateurs titulaires de licences devront ensuite communiquer les informations de facturation et de prestation de service aux MVNO qui rassembleront alors ces informations et établiront les factures-clients en conséquence.

Au niveau des MVNO, la possibilité de livrer une concurrence réelle et durable aux fournisseurs de réseau 3G sera grandement limitée si les fournisseurs de réseau, qui exercent effectivement un quasi monopole sur une ressource «stratégique», sont en mesure de facturer leurs services à des prix de monopole. Les fournisseurs de réseau étant verticalement intégrés dans la chaîne ascendante ou descendante de la prestation de services 3G peuvent être tentés de limiter l'accès aux éléments d'infrastructures dont leurs concurrents ont besoin en imposant des prix rendant peu rentable l'activité économique des MVNO qui souhaiteraient accéder au marché et effectivement chercher à attirer des «clients 3G».

Les principes de détermination des prix qui s'appliquent à la fourniture de services au MVNO doivent tenir compte d'une part de la nature de l'opérateur MVNO considéré et d'autre part de la mesure dans laquelle son activité porte sur l'interconnexion ou la revente pure de capacité réseau. Les MVNO qui disposent en propre d'importantes infrastructures de réseau ne faisant que très peu intervenir les éléments d'infrastructure de l'opérateur titulaire de la licence sont assimilables à d'autres fournisseurs de services de réseau et doivent pouvoir obtenir l'interconnexion dans les mêmes conditions que celles qui s'appliquent aux opérateurs disposant d'une licence.

On a pu dire que la tarification en fonction des coûts de l'accès des MVNO aux réseaux des opérateurs de services 3G devrait être de moins en moins nécessaire avec l'augmentation de la concurrence sur le marché. On a également affirmé que la tarification de l'accès des MVNO en fonction des coûts pourrait réduire l'incitation à investir dans les infrastructures, particulièrement au début de la phase d'investissement dans les systèmes 3G. Ces arguments doivent toutefois être examinés dans le cadre de l'objectif général, qui consiste à promouvoir et à renforcer le fonctionnement de la concurrence dans les services mobiles, objectif qui d'ailleurs constitue au départ la première raison d'autoriser les MVNO à accéder à ce marché.

La simple revente de services mobiles 3G, l'interconnexion intégrale des réseaux et la pleine concurrence sur la base d'infrastructures propres sont des stratégies d'accès qui sont complémentaires et ne s'excluent donc pas mutuellement. Ce sont les conditions du marché — densité de population, profil de la clientèle, profil temporel d'accès, niveau de présence des nouveaux venus — qui détermineront le choix de la stratégie selon le soussecteur visé et selon le niveau de développement du marché considéré. Ce n'est pas nécessairement en se fondant exclusivement sur les conditions de pleine concurrence entre opérateurs 3G disposant de leurs propres infrastructures que l'on pourra proposer des services 3G compétitifs à tous les utilisateurs finals, compte tenu des investissements que suppose la mise en place de nouveaux réseaux complets couvrant l'ensemble du pays considéré. A cet égard, la concurrence suscitée au niveau des services par la revente de capacité réseau sera un important élément de la donne générale du marché des 3G.

A l'heure actuelle, l'Union européenne fait obligation aux entreprises détenant plus de 50% des parts du marché considéré d'ouvrir leurs réseaux aux autres utilisateurs, qui facturent alors des prix établis sur la base des coûts plus une marge bénéficiaire et, pour l'heure, seul PKN Mobile se trouve dans cette situation. Les autres opérateurs titulaires d'une licence dont la part du marché dépasse 35% ne sont pas tenus par la facturation «coût plus marge», de sorte qu'il peut être plus onéreux de louer des circuits auprès de cette dernière catégorie d'opérateurs.

Pour l'Oftel, le principe logique de taxation d'un éventuel service MVNO devrait être la prise en compte du prix de détail, avec retranchement d'un certain pourcentage: le prix de l'interconnexion est ainsi déterminé sur la base des coûts non supportés, que l'on déduit alors du prix de détail. Les coûts non supportés sont par exemple les dépenses d'appui à la clientèle, de facturation, de prestation de services à valeur ajoutée et de transport. Le document d'information sur la téléphonie 3G précise dans ses conclusions que la simple revente de capacité 3G peut encourager la venue de fournisseurs de services 3G «de détail» efficaces. 



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