Les progrès technologiques ont toujours eu
des répercussions sur les relations humaines. Qu'il s'agisse d'aller à
pied jusqu'au bureau de poste le plus proche pour envoyer des
télécopies, de taper des courriels ou des messages sur le clavier de son
ordinateur personnel ou de son téléphone mobile, ou encore de
communiquer par voie hertzienne, les communications gagnent sans cesse
en rapidité et en qualité. Depuis 1865, l'Union internationale des
télécommunications aide les pays à atteindre cet objectif en facilitant
le développement et le fonctionnement harmonieux des technologies de
l'information et de la communication les plus modernes.
La révolution numérique dans le secteur des TIC qui a, d'ores et déjà,
radicalement bouleversé la façon dont le monde fonctionne et dont les
hommes communiquent, continuera à définir notre avenir à tous.
Malheureusement, l'immense majorité des habitants de la planète reste en
marge de ce progrès, alors que parallèlement, le fossé entre le savoir
et l'ignorance, entre les riches et les pauvres, ainsi qu'à l'intérieur
même des pays, se creuse. Il est devenu réellement urgent de réduire la
fracture numérique, entre autres sur le plan du savoir, sans reproduire
les inégalités d'autrefois, à la suite des tsunamis qui ont dévasté la
région de l'océan Indien le 26 décembre 2004. L'utilisation de moyens de
communication a sauvé beaucoup de vies, mais un accès plus large aux
technologies de l'information et de la communication (TIC) et une
infrastructure d'alerte précoce auraient pu en sauver des milliers
d'autres. Les TIC - téléphonie mobile, SMS et Internet - ont joué un
rôle déterminant dans la coordination des plus vastes opérations de
secours humanitaires jamais entreprises. L'Union internationale des
télécommunications a mis à disposition 15 stations terriennes à
satellite pour permettre aux pays les plus éprouvés par cette
catastrophe de mettre en oeuvre des services d'urgence.
Face à ces enjeux, l'UIT qui, depuis 140 ans, contribue à faciliter et à
coordonner le développement des télécommunications dans le monde, ouvre,
une fois de plus de nouvelles perspectives aux communications du XXIe
siècle: elle facilite, grâce aux technologies de l'information et de la
communication l'accès universel et équitable au savoir. L'UIT a été
chargée par l'Organisation des Nations Unies d'assumer le rôle de chef
de file dans l'organisation du Sommet mondial sur la société de
l'information, dont la première phase s'est achevée à Genève en décembre
2003, lorsque des dirigeants de plus de 175 pays, dont une cinquantaine
de chefs d'Etat ou de Gouvernement et de Vice-Présidents, ont approuvé
un projet commun pour la société de l'information et ont arrêté un Plan
d'action pour la mise en oeuvre de ce projet.
Les préparatifs de la seconde phase du SMSI, qui aura lieu à Tunis en
novembre 2005, sont en cours. Utilisée pour la première fois dans
l'histoire des sommets internationaux, la structure en deux phases
permet d'établir des mécanismes concrets de suivi et d'évaluation. A sa
phase de Tunis, le Sommet définira les grandes orientations futures de
la société de l'information et élaborera des stratégies visant à aider
tous les habitants de la planète à atteindre leurs objectifs de
développement tels qu'ils sont consacrés par la Déclaration du
Millénaire. Les participants au SMSI se sont déclarés déterminés à
"édifier une société de l'information à dimension humaine, inclusive, et
privilégiant le développement, une société de l'information dans
laquelle chacun ait la possibilité de créer, d'obtenir, d'utiliser et de
partager l'information et le savoir et dans laquelle les individus, les
communautés et les peuples puissent ainsi mettre en oeuvre toutes leurs
potentialités en favorisant leur développement durable et en améliorant
leur qualité de vie".
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Des grands principes à l'action concrète: l'UIT,
les TIC et la qualite de vie
- Partout dans le monde, les pays en développement innovent pour
ne pas se couper de la base, par exemple en associant des systèmes
de communication traditionnels, tels que le service postal, à de
nouvelles méthodes comme le courrier électronique. Bhutan Telecom,
en partenariat avec le Gouvernement de l'Inde, l'UIT, WorldSpace
Corporation et Encore (Inde), fournit ainsi un service de poste
électronique aux régions montagneuses et isolées du Bhoutan au moyen
d'un réseau à microstations exploitant l'énergie solaire.
- Au Bangladesh, Grameen (Rural) Telecom s'efforce d'atteindre son
objectif qui est de fournir un téléphone à chaque village du pays.
Ces téléphones, financés par le microcrédit, permettent à plus de 50
millions d'habitants de 30 000 villages isolés ou difficiles d'accès
de se relier au reste du monde.
- Le nom de Tombouctou, ville située en plein désert
transsaharien, à 1 000 kilomètres de la capitale du Mali, est
souvent synonyme d'éloignement ou d'expérience hors norme, mais
aujourd'hui le lycée de Tombouctou est connecté à l'Internet et ses
étudiants ont accès aux informations en provenance du monde entier.
Ce projet mené à bien en partenariat entre le Mali et Swisscom
s'inscrit dans la stratégie globale de l'UIT visant à multiplier les
projets et à relier un maximum d'écoles dans le monde à l'Internet.
Parallèlement, les enseignants maliens suivent des stages en Suisse,
pour se familiariser avec les possibilités qu'offre aujourd'hui
l'Internet sur le plan pédagogique.
- Les projets mis en oeuvre par l'UIT en Amérique centrale visent
à connecter les zones rurales, semi-rurales et urbaines du Honduras
par l'intermédiaire de télécentres communautaires polyvalents (TCP)
qui assurent une formation à l'Internet et à ses applications aux
habitants de plusieurs localités (Valle de Ángeles, Santa Lucía, Las
Trojas, Montana Grande et Tegucigalpa). Ce projet, mené à bien par
l'UIT en coopération avec la Honduras Telecommunication National
Company, a permis de mettre à la disposition de ces communautés
isolées des services de télésanté, de téléenseignement, de commerce
électronique et d'administration publique en ligne. Après la
création du premier TCP il y a quatre ans, le projet est maintenant
autonome et attire de nouveaux partenaires intéressés par de
nouvelles applications.
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Les TIC: Catalyseurs du savoir au XXIe
siècle
L'information a le pouvoir de faire reculer l'ignorance et d'émanciper
les êtres humains. Elle a aussi le pouvoir de faire de la communauté
mondiale une fraternité soudée, ayant en commun des idéaux de paix et de
tolérance, de croissance et de développement. Si les besoins
fondamentaux de l'humanité sont se nourrir, se vêtir et avoir un toit,
il faut aujourd'hui ajouter à cette liste être informé, puisque
l'information et le savoir, ainsi que les technologies de la
communication qui en sont les véhicules, sont des catalyseurs du
développement socio-économique.
Les technologies de l'information et de la communication ne peuvent,
certes, résoudre à elles seules tous les problèmes du monde, mais elles
sont aujourd'hui des instruments indispensables pour aider à relever des
défis de portée planétaire. En réduisant la fracture numérique et en
investissant dans les nouvelles autoroutes de l'information pour
accélérer la réalisation des objectifs planétaires de développement, on
devrait par là-même ouvrir de nouveaux débouchés économiques viables
dans les pays en développement, alors même que les marchés développés
approchent de la saturation. S'exprimant au nom des milieux d'affaires à
la phase de Genève du SMSI, Richard McCormick a déclaré que
l'édification de la société de l'information "exige des investissements
et une bonne dose de créativité et d'innovation - les meilleurs atouts
du secteur privé. Et celui-ci est prêt à consentir les investissements
nécessaires".
Parmi les grands objectifs du Sommet qui devront être atteints d'ici à
2015, on peut citer les suivants: connecter tous les villages aux TIC et
mettre ces dernières à la portée de toutes les universités, des
collèges, des établissements d'enseignement secondaire et primaire, des
centres scientifiques et de recherche, des bibliothèques publiques, des
centres culturels, des musées, des bureaux de poste et des archives
ainsi que des centres de santé et des hôpitaux. Les administrations
publiques locales et centrales devraient également être connectées et
dotées d'un site web et d'une adresse e-mail. A la même échéance, les
programmes de toutes les écoles primaires et secondaires devraient être
adaptés afin de relever les défis de la société de l'information. Il
faut en outre réfléchir à la portée des applications TIC pour la
télésanté, l'environnement, l'économie, le commerce et l'agriculture.
Le rôle de l'UIT: de Genève à Tunis
Conformément à la Déclaration de principes et au Plan d'action arrêtés
par les dirigeants réunis à la phase de Genève du Sommet, les
participants à la phase de Tunis analyseront plusieurs grands problèmes
(cyberstratégies, gouvernance de l'Internet, intégration régionale,
évaluation et mesure des progrès, mécanismes financiers, cybersécurité
et engagement international) qui resteront d'actualité au cours des
prochaines années. L'UIT, qui contribue depuis 1865 à la mise en place
de réseaux mondiaux de communication, fournit les compétences techniques
nécessaires pour préparer l'avenir.
Cyberstratégies: les gouvernements, en collaboration avec le
secteur privé et la société civile, sont encouragés à élaborer et à
mettre en oeuvre à l'échelle nationale des cyberstratégies globales,
prospectives et durables faisant partie intégrante de plans nationaux de
développement, stratégies de lutte contre la pauvreté comprises. L'UIT
s'emploie à faciliter ces activités.
Gouvernance de l'Internet: comme il en a été chargé par le
SMSI à sa phase de Genève, le Secrétaire général de l'Organisation des
Nations Unies, Kofi Annan, a constitué un groupe de travail sur la
gouvernance de l'Internet (GTGI) qui fera rapport à la phase de Tunis du
Sommet. Sachant que le but est de créer une société de l'information
inclusive, le GTGI a tenu avec toutes les parties prenantes des
consultations. Ces consultations ont rassemblé de hauts dirigeants des
gouvernements de la société civile et du secteur privé, de manière à
dégager un consensus multilatéral sur la gouvernance de l'Internet.
Mécanismes financiers: aux termes du Plan d'action du SMSI, un
examen approfondi de tous les mécanismes de financement existants, afin
de savoir s'ils sont adéquats et permettent de faire face aux enjeux des
TIC pour le développement, devrait être mené à bien. Le groupe d'action,
chargé de cet examen a été conduit par le Programme des Nations Unies
pour le développement (PNUD), sous l'égide du Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies. Son rapport sera examiné lors de la
deuxième réunion du Comité de préparation du SMSI, réunion qui se
tiendra à Genève du 17 au 25 février 2005.
Suivi et évaluation: le Sommet a préconisé l'élaboration de
mécanismes internationaux réalistes d'évaluation et d'établissement de
critères utilisant des indicateurs statistiques comparables et les
résultats des recherches, afin de suivre les progrès réalisés dans la
mise en oeuvre du Plan d'action. Tous les pays et toutes les régions
devraient élaborer des instruments et des indicateurs fondamentaux
permettant de disposer de statistiques sur la société de l'information,
et analyser les principaux aspects de cette nouvelle société. L'UIT a
élaboré un indice d'accès numérique servant à mesurer l'étendue de la
fracture numérique et conduit cet "inventaire" indispensable.
Etablir la confiance et la sécurité dans l'utilisation des TIC:
ces notions sont considérées comme étant au nombre des piliers de la
société de l'information. On s'efforce de promouvoir la coopération
entre toutes les parties prenantes, au sein d'instances appropriées,
pour renforcer la confiance des utilisateurs, améliorer la sécurité et
protéger l'intégrité des données et des réseaux. Des lignes directrices
sont en cours d'élaboration, qui tiennent compte des efforts entrepris
pour prévenir et détecter la cybercriminalité et l'utilisation abusive
des TIC et y remédier, par exemple en encourageant les investigations
efficaces et les poursuites en cas d'utilisation illicite et en
renforçant, sur le plan international, l'appui institutionnel et les
efforts d'assistance mutuelle afin de prévenir et de détecter de tels
incidents et d'y remédier. A cet égard, le spam fait déjà figure de
problème de plus en plus préoccupant pour les utilisateurs, les réseaux
et l'Internet dans son ensemble. L'UIT a organisé en juillet 2004 une
réunion thématique multipartite sur la lutte contre le spam afin
d'envisager des mesures antispam au plan national et international.
Intégration régionale: le meilleur moyen de favoriser un
développement durable est d'intégrer pleinement les efforts et les
programmes en matière de TIC aux stratégies de développement nationales
et régionales. A cet égard, le Sommet s'est félicité de la conclusion du
Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) et a
encouragé la communauté internationale à appuyer les mesures TIC prises
dans le cadre de telles initiatives ainsi que celles qui relèvent
d'efforts analogues déployés dans d'autres régions. Une réunion
régionale sur le SMSI a eu lieu à Accra (Ghana) en février 2005, en vue
de chercher à nouer un partenariat numérique stratégique et indépendant
qui favorisera la croissance économique et le développement humain de
l'Afrique.
Diversité culturelle: Les femmes devraient se voir donner les
moyens de participer pleinement, dans toutes les sphères de la société,
à tous les processus de prise de décision. Parallèlement, il est
impératif de chercher à satisfaire les besoins des groupes sociaux
marginalisés et vulnérables, y compris les migrants, les personnes
déplacées et les réfugiés, les chômeurs et les démunis, les minorités et
les populations nomades ainsi que les peuples autochtones, les personnes
âgées et les handicapés. Le multilinguisme et la diversité culturelle
sont indispensables pour réduire la fracture numérique et assurer la
bonne circulation de l'information et du savoir.
Il faut agir sur le plan mondial
Bien sûr, le téléphone ne nourrira pas les populations défavorisées et
l'ordinateur ne remplacera pas entièrement les enseignants, mais les TIC
peuvent contribuer efficacement à résoudre des problèmes de portée
mondiale. Le succès remporté par le Sommet nous donne l'élan nécessaire
pour y parvenir. L'édification d'une société de l'information inclusive
passe par une approche mutipartenaire et le SMSI s'engage sur la voie de
la collaboration, non seulement avec les gouvernements, mais aussi avec
le secteur privé et la société civile, ainsi qu'avec d'autres
organisations du système des Nations Unies.
Pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés - dans des
domaines tels que la gouvernance de l'Internet, l'accès,
l'investissement, la sécurité, le développement d'applications, les
droits de propriété intellectuelle et le respect de la vie privée - nous
devons être une nouvelle fois déterminés à oeuvrer ensemble, si nous
voulons tirer parti des avantages de la société de l'information. Dans
la perspective de la phase de Tunis et au-delà, ce ne sont pas quelques
privilégiés, mais les êtres humains dans leur ensemble, qui doivent
bénéficier des avantages de la puissance des technologies actuelles
fondées sur le savoir, dans les pays les plus pauvres de la planète, et
c'est seulement alors que l'on pourra véritablement parler d'une société
de l'information engagée, ayant les moyens de son autonomie et
égalitaire. Ainsi l'explique M. Yoshio Utsumi, Secrétaire général de l'UIT,
"Nous établissons des passerelles qui, au-delà des frontières
géographiques et des disparités en matière de savoir et d'information,
contribueront à relier les peuples. Parallèlement, nous commençons à
assembler les différents éléments du Plan d'action du SMSI qui vont
créer une société de l'information véritablement inclusive et
équitable".
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