INTERVENTION DE SON EXCELLENCE ABDELAZIZ BOUTEFLIKA
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET
POPULAIRE
Monsieur le Président,
Je voudrais, tout d'abord, exprimer mes vifs
remerciements et ma cordiale gratitude à mon frère Zine El Abidine Ben Ali,
Président de la République Tunisienne, et à travers lui, au gouvernement et
au peuple tunisiens, pour la qualité de l'accueil qui nous est réservé,
ainsi que pour les égards qui nous sont témoignés depuis notre arrivée à
Tunis. Je suis convaincu que, sous la haute et sage direction du Président
Ben Ali, les travaux de la Conférence connaîtront un franc succès.
Mes félicitations vont, également, à M. Yoshio Utsumi,
Secrétaire Général de l'UIT, qui a su réaliser une préparation ainsi qu'une
coordination remarquable des assises de ce Sommet.
Monsieur le Président,
La quête permanente du bonheur des hommes, dans un
contexte de globalisation accélérée, confère au débat auquel nous sommes
conviés aujourd'hui une importance capitale, tant les civilisations, tout
comme les peuples et les nations, qui ont apporté leur contribution à
l'arc-en-ciel de la culture humaine, sont interpellées par l'irruption, dans
leur quotidien, de la société de l'information.
Dans sa permanente recherche de solidarité, de justice et
d'équité et, face à l'adversité, l'humanité s'est frayée une voie riche
d'espérances qu'il nous appartient d'entretenir et d'élargir à l'aube de
l'ère des fantastiques technologies de l'information et de la communication.
C'est bien à une troisième révolution industrielle que
l'humanité assiste. Elle est, comme nous le savons désormais tous, à
l'origine de bouleversements culturels, économiques et sociaux sans
précédent, en ce qu'elle enveloppe simultanément toutes les sphères de
l'activité humaine dans tous les coins du monde.
De ce fait même, la société de l'information prend place
comme un phénomène particulièrement distinctif de notre époque, tant et si
bien qu'aucun pays ne saurait s'y soustraire, sauf à se résoudre à une
marginalisation annonciatrice de régression économique et sociale.
Aussi, le poids de notre engagement collectif en faveur
de la réussite de nos présentes assises ne peut-il trouver sa signification
que dans l'émergence d'une société du savoir inclusive, qui fait du partage
et de la solidarité l'élément central de la lutte contre l'arriération
économique, la prévention des catastrophes naturelles, tout autant que la
promotion de tous les droits de l'homme dans le monde et le rapprochement
entre les peuples.
Monsieur le Président,
A Genève, nous avons reconnu la nécessité de la création
d'un environnement propice fondé sur des politiques bien définies pour
permettre un accès universel, équitable et abordable à la société du savoir,
et œuvrer à la promotion d'une compréhension commune de la société de
l'information pour la mettre au service exclusif de l'épanouissement de tout
le genre humain.
Ici, à Tunis, il importe de pousser notre consensus plus
loin, tant il est bien établi que, dans ses développements actuels, la
société de l'information renforce, tant au plan interne qu'au plan
international, les fractures économiques, sociales et culturelles existantes
et qu'elle en exacerbe les manifestations.
Pour avoir été les premiers à subir la rigueur drastique
des politiques exclusivement orientées vers le marché qui ont toujours
caractérisé la gestion de l'Internet et avoir, dans ce même contexte,
souffert des coûts exorbitants liés à la mise en place ou à l'acquisition
des infrastructures de transport de l'information, les pays en développement
sont devenus, par la force des choses, les témoins d'une situation qui, bien
que nouvelle, rappelle, en tous points, celle ayant toujours prévalu, hélas,
en matière de relations économiques et financières internationales qu'ils
n'ont cessé de dénoncer depuis leurs indépendances.
Dès lors, il conviendrait d'abord de donner corps à une
vision nouvelle qui parte du lien de causalité entre le sous-développement,
avec son cortège de faiblesses d'ordre structurel, organisationnel et
institutionnel, et sa résultante directe, la fracture numérique. II faudrait
ensuite définir les axes stratégiques propres à concourir à la mise en place
d'une société de l'information également bénéfique pour tous. Cela relève
autant de l'urgence que de l'exigence intellectuelle et des nécessités qui
s'y rattachent.
C'est pour toutes ces raisons que nous appelons à
l'instauration d'une coopération internationale inondée de solidarité pour
mieux faire face aux défis de la mondialisation et du monde numérique.
Monsieur le président,
L'utilisation généralisée de ces technologies est plus
pressante que jamais en Afrique, continent dont les dirigeants se sont
assignés comme objectifs prioritaires, celui de conforter le processus de
démocratisation, d'améliorer la gouvernance politique et économique et de
donner une impulsion aux échanges intra-régionaux.
En dépit de cette urgence, l'Afrique reste confrontée à
l'impératif de développement de ses capacités matérielles et humaines
permettant de saisir les prodigieuses possibilités offertes par les
nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Nous consentons d'énormes efforts pour rattraper ces
retards. C'est le cas, à un niveau régional, des initiatives entreprises par
la Commission Electronique pour l'Afrique (E-Africa) dans le cadre du NEPAD,
œuvrant à la coordination, au niveau continental, de la gouvernance
électronique, ainsi qu'à la formation électronique au titre de la E-School
Project qui permettra notamment de connecter à l'Internet, par des liaisons
satellitaires, un certain nombre d'écoles en Afrique.
Au titre de la coopération bilatérale, il convient de
mentionner le projet de liaison à fibres optiques entre Alger et Abuja qui
irriguera les pays frontaliers des deux Etats terminaux, ainsi que les pays
qu'elle traverse. Un tel projet jouera, sans nul doute, un grand rôle dans
le développement socio-économique régional.
Cette liaison sera prolongée vers l'Afrique du Sud pour
constituer une véritable colonne vertébrale du Nord au Sud de l'Afrique et,
vers le Nord, en direction du Bassin méditerranéen et de l'Europe, grâce à
la liaison sous-marine reliant Alger et l'Europe continentale, via Palma de
Majorque.
Monsieur le Président,
Le temps écoulé entre les deux phases du Sommet aura
permis d'engager des réflexions sur des questions importantes, parmi
lesquelles la Gouvernance de l'Internet, les mécanismes de financement, la
réduction de la fracture numérique et le mécanisme de mise en œuvre du Plan
d'Action de Genève.
Pour sa part, l'Algérie a apporté sa contribution à la
réflexion générale sur la Gouvernance de l'Internet, en proposant une
organisation transparente, inclusive et démocratique. L'ensemble de la
Communauté internationale étant tributaire de l'Internet, il est nécessaire
que chaque partie prenante joue le rôle qui lui échoit dans un processus
nouveau qui découlerait d'une Charte internationale que nous appelons de nos
vœux et à laquelle souscriraient tous les acteurs concernés.
S'agissant du mécanisme de financement, les Pairs du
NEPAD, dont l'Algérie, ainsi que d'autres pays et organismes donateurs, ont
répondu à l'appel de la Communauté internationale en apportant leur
contribution financière au « Fonds de Solidarité Numérique ». Mon souhait
est, de toute évidence, de voir les pays développés s'associer à cette
entreprise coopérative d'envergure.
L'impératif de réduction de la fracture numérique doit
aussi figurer au centre de nos préoccupations, tant il commande, par ses
aspects les plus graves liés notamment à la fuite des cerveaux, ainsi qu'au
non-accès au savoir dans les domaines des contenus et des logiciels, des
actions communes déterminantes susceptibles d'apporter des réponses
appropriées à des problèmes cruciaux.
L'édification d'une société de l'information viable
impose également un strict respect des libertés d'opinion, d'expression et
de l'équilibre des genres, partie intégrante des droits de l'homme, tout
autant qu'une protection et une préservation sans faille des patrimoines
culturels et linguistiques des peuples.
La coordination et le suivi des actions que nous avons
décidées est d'une importance capitale pour la mise en place d'une société
de l'information qui puisse répondre à l'idéal de coopération pour le
développement dans un espace international extrêmement fragmenté. Les
principes d'universalité et d'inclusion, qui doivent structurer le concept
de la société de l'information, militant, de mon point de vue, en faveur de
l'Union Internationale des Télécommunications pour jouer ce rôle.
Monsieur le Président,
Il est communément admis que les inégalités sociales à
l'intérieur d'un même pays sont à l'origine d'une autre fracture numérique,
interne cette fois, qu'il nous appartient, en notre qualité de dirigeants,
d'appréhender dans toutes ses dimensions et à laquelle nous sommes requis
d'apporter des solutions.
C'est le cas de la politique que nous mettons en œuvre
dans mon pays et dont je vous livre quelques éléments structurants.
L'Algérie a entrepris, dès 1999, de profondes réformes
économiques, qui se traduisent notamment par la libéralisation du secteur
des technologies de l'information et de la communication. Nous poursuivons
ce processus en lui insufflant une nouvelle dynamique qui s'inscrit
parfaitement dans le cadre de la Déclaration de Principes et du Plan
d'Action de Genève.
C'est ainsi que sont prises dans mon pays en direction
des citoyens et des agents économiques, d'importantes initiatives visant à
stimuler et à développer l'utilisation des technologies de l'information et
de la communication, telle « l'opération OUSRATIC, un PC par foyer » qui
consiste à doter, à l'horizon 2010, les six millions de ménages d'un
ordinateur et d'un accès à haut débit à l'Internet.
D'autres actions d'envergure sont entreprises par
l'Algérie, dont la création d'un cyber-parc, implanté dans la ville nouvelle
de Sidi Abdellah, dans les environs d'Alger, et appelé à servir de levier
pour le développement des technologies de l'information et de la
communication dans le pays.
A cela s'ajoutent deux projets visant, pour le premier,
l'équipement en ordinateurs de tous les lycées et écoles du pays avec la
mise en place d'un réseau national d'enseignement à distance, et, pour le
deuxième, la création d'une université virtuelle.
Enfin et dans une perspective d'amélioration des méthodes
de gouvernance, un réseau intranet gouvernemental, qui contiendra le portail
gouvernemental et offrira tous les services de communication utiles au bon
fonctionnement des institutions de l'Etat, est en cours de réalisation.
Ce réseau sera, dans une phase ultérieure, accessible aux
citoyens et opérateurs socio-économiques et deviendra à terme un moyen de
communication interactive entre le gouvernement et la société civile.
Il s'agit, pour tout dire, d'une politique
d'appropriation des technologies de l'information et de la communication
pour les mettre au service de la cause du développement et en faire un moyen
de rattrapage économique dans la stratégie de développement du pays,
conscients que nous sommes qu'elles représentent désormais un facteur
capital dans la croissance.
Monsieur le Président,
Des voix du Sud et du Nord s'unissent pour plaider en
faveur de l'instauration d'un réel partenariat et pour trouver des solutions
crédibles aux problèmes posés par cette question essentielle, y compris à
travers la mise en place de nouvelles formes de coopération pour que les
nouveaux modes de communication de la société de l'information soient plus
des éléments de cohésion que de confrontation.
II s'ensuit que, sans volonté politique clairement
affirmée et mise en œuvre, l'avènement d'une société de l'information fondée
sur le partage et la solidarité restera une illusion, tant l'approche
privilégiée à ce jour s'appuie sur nombre d'exigences et de contraintes
faites aux pays du Sud au nom de l'efficacité et de la rationalité
économique, alors que leurs propositions de politiques réellement porteuses
trouvent peu d'écho chez les .pays nantis dont le discours s'appuie de
manière générique sur une bonne conscience idéologique à tout le moins
contestable.
Le défi est, pour nous tous, de nous convaincre que la
société de l'information n'est pas un concept figé et que nous devons nous
préparer aux évolutions ultérieures qui nous mèneraient vers une société de
la connaissance certainement beaucoup plus complexe que celle d'aujourd'hui,
en ce monde devenant le village global de demain que les nouvelles
technologies rendront encore plus compact.
Aussi, la priorité doit-elle être accordée à la mise en
œuvre rapide et efficace des principes déjà acceptés afin de permettre aux
citoyens du monde de tirer les avantages des technologies de l'information
et de la communication et de se préparer à affronter les situations
complexes que ne manqueront pas d'engendrer les changements sociaux,
économiques et technologiques induits par la créativité humaine.
La toile dense de la société de l'information se tisse à
grande vitesse. Tous les peuples du monde doivent en être les artisans et
les bénéficiaires. Ce Sommet ferait date dans l'histoire s'il prend
effectivement en charge cette exigence.
Je vous remercie. |