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  DEUXIÈME PHASE DU SMSI: 16-18 NOVEMBRE 2005, TUNIS
 
 Déclaration de la Suisse
 

Discours du Conseiller fédéral Moritz Leuenberger

Tunis, le 17 novembre 2005

 

Monsieur le Président,

Les thèmes de cette seconde phase du SMSI : infrastructures de télécommunication, technologies et leur utilisation sont de la première importance pour l’ensemble de nos Nations.

Les infrastructures sont les piliers d’une société. C’est sur elles que reposent non seulement le développement économique, mais bien plus encore les principes moraux, la cohésion intellectuelle et l’identité culturelle. Sans les infrastructures il ne peut y avoir de liberté, d’indépendance, ou de démocratie. Toutefois elles sont également utilisées à des fins d’oppression, de manipulation, d’impérialisme, de colonialisme ou de destruction.

Les Romains disposaient d’excellentes infrastructures, bateaux et routes, grâce auxquelles ils ont étendu leur influence culturelle, mais aussi détruit Carthage, dont les ruines se trouvent tout près d’ici.

Ce qui vaut pour les routes et les voies maritimes vaut également pour les télécommunications.

Aussi, un Sommet de l’ONU ne peut pas se limiter à une discussion sur les technologies; il doit également se préoccuper de savoir comment ces technologies peuvent servir l’intérêt de la société et de l’individu.

Les Romains appelaient fièrement la Méditerranée "mare nostrum" quand bien même des Grecs, des Phéniciens et bien d’autres peuples encore vivaient sur ses rives. Et comme ils considéraient que la mer leur appartenait, ils se croyaient aussi en droit de diffuser leur culture comme étant la seule véritable culture. Aujourd’hui, il est clair pour nous qu’aucun droit moral ne les autorisait à se comporter de la sorte et que leur aveuglement a entraîné la chute de leur empire.

De même, de nos jours aucune puissance ne devrait pouvoir utiliser les infrastructures de télécommunication pour renforcer sa suprématie culturelle et linguistique ou pour asseoir son pouvoir. Pourtant, nous en sommes tous conscients, cette tendance existe bel et bien.

Certaines langues et cultures prennent de plus en plus d’importance. Il n’est dans ce contexte souvent plus question d’échanges culturels. Nous vivons plutôt sous la domination d’une culture mondiale et uniforme dont la langue véhiculaire est l’anglais. Cette culture est diffusée par la radio et surtout la télévision, la musique, les supports sonores modernes et, bien entendu, l’internet.

Celui qui possède les moyens de communication, et en particulier celui qui détermine les contenus diffusés, notamment à la télévision, décide des contenus culturels (musique, films, etc.) à l’échelle planétaire et il détermine aussi l’information.

Dans ce contexte, on procède selon les règles du marché. Les effets d’échelle sont importants : il faut amener un maximum de personnes à regarder un programme TV, une série ou un concert pop pour amortir les droits de diffusion élevés. Les produits sont conçus pour le plus grand nombre; ce qui est entendu et vu dans le sud du Chili l’est aussi généralement à Tokyo ou à Zurich.

La liberté d’expression culturelle et linguistique est absolument essentielle pour l’autonomie et l’identité des hommes et des femmes, et pour le bien des communautés, des groupes linguistiques et de tous les peuples. La langue crée des points communs, des communautés. La communication résulte de ces communautés. Le langage est la structure mentale la plus importante; elle est l’expression première de l’identité culturelle.

En raison de la domination anglo-saxonne sur l’internet et dans les médias, les productions issues de nombreux pays et de nombreuses cultures restent confinées dans des niches. Alors que les technologies de l’information pourraient grandement contribuer à la pluralité culturelle et aux échanges, force est de constater qu’elles mènent à l’uniformité – à la globalisation au sens négatif du terme, c’est-à-dire à l’appauvrissement des contenus et de la diversité culturelle. Par conséquent, bien des pays ont introduit des quotas dans leur législation pour préserver leur langue dans la musique et éviter que les chansons en anglais ne remplacent la production locale.

Nous devons nous demander s’il s’agit là d’une évolution judicieuse ou s’il existe d’autres solutions.

Les contenus culturels ne sont pas de simples marchandises; le droit de parler sa langue maternelle et le droit à l’identité culturelle font partie des droits de l’homme. Les technologies de la communication - l’internet, la radio et la télévision - sont à mettre au service de l’identité culturelle des hommes et des femmes, de sorte à les amener vers l’indépendance et la liberté de décision, et non pas pour les manipuler ou les mettre sous tutelle.

Il ne s’agit pas d’édicter des interdictions ou d’ériger des barrières, mais de promouvoir les contenus culturels et de les populariser.

Dans ce sens, la récente adoption lors de la dernière Conférence générale de l’UNESCO de la Convention sur la diversité culturelle est un pas dans la bonne direction, mais nous devons poursuivre nos efforts.

Il est trop facile de se contenter de dénoncer la dominance de la culture anglophone. Dans tous les pays, certaines cultures en dominent d’autres en se servant justement des moyens de communication modernes. En Suisse, nous avons quatre langues nationales, mais c’est la culture germanique qui est majoritaire.

Ainsi, dans mon pays, il existe deux programmes TV et trois programmes radio à l’intention de la population italophone. D’un point de vue strictement économique, ces programmes ne se justifient pas, mais les italophones de Suisse doivent bénéficier des mêmes droits que les germanophones, pourtant bien plus nombreux.

Dans de nombreux pays d’Amérique latine et d’Afrique, les radios locales jouent un rôle important dans le domaine de l’information et du divertissement. Il faut les soutenir en leur mettant à leur disposition des fréquences, en les aidant à construire des studios et à se servir des libertés. Il est important que des sites internet et des programmes d’envoi de SMS existent également dans les langues locales.

C’est là justement que les moyens modernes de communication peuvent s’avérer utiles. En effet, un câblo-opérateur qui propose 150 programmes TV par satellite peut offrir ce choix. Il en va de même avec l’internet et ses innombrables sites.

La mise des technologies de la communication au service de la liberté de choix des citoyens, doit se faire dans un esprit d’ouverture et de libertés. Une telle démarche n’est réalisable que dans une société libre et démocratique qui permet à ses citoyens d’accéder librement à l’information. Cette condition est indispensable pour que chacun puisse vivre pleinement son identité culturelle. Les Etats dans lesquels un ministère décide quelle information est accessible et qui répriment la liberté d’expression sont encore très loin d’une véritable société de l’information. Peu importe s’ils disposent des technologies et des infrastructures les plus novatrices.

L’identité culturelle et la liberté d’expression sont des valeurs fondamentales. C’est pourquoi nous devons profiter du SMSI pour souligner avec force l’importance du droit à la liberté d’information.

La qualité de l’information et de la société de l'information n’est pas déterminée par la technologie ou l’infrastructure utilisée, mais par la liberté et l’ouverture d’esprit.

Je vous remercie, Monsieur le Président.

 
 

 

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Mis à jour le 2005-11-23