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Réforme du système international des taxes de répartition

Pekka Tarjanne
Secrétaire général de l' UIT 

La réforme du système international des taxes de répartition revêt une grande importance non seulement pour l’UIT, mais aussi pour la communauté internationale des télécommunications tout entière. Ces derniers temps, le secrétaire général de l’UIT, Pekka Tarjanne, a fait de la réforme des taxes de répartition l’une de ses priorités. Il s’est même engagé publiquement à oeuvrer à la conclusion d’un accord multilatéral sur la question. Dans le présent article, il répond à trois questions

Pourquoi la réforme des taxes de répartition
est-elle si importante?

Simplement parce qu’il faut aller chercher l’argent là où il se trouve! Les recettes mondiales générées par les services internationaux de télécommunication en 1996 se sont élevées à quelque 65 milliards USD, dont une large part a transité entre différents pays dans le cadre du système des taxes de répartition. Grâce à ce système, on assiste à un transfert nord-sud (des pays développés vers les pays en développement) de quelque 10 milliards USD par an. Pour vous donner une idée de ce que cela représente, si vous additionnez tous les programmes de prêt dans le secteur des télécommunications de toutes les banques de développement du monde entier — la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, etc. — le montant total des investissements consentis par celles-ci entre 1990 et 1995 serait encore inférieur aux recettes générées par le système des taxes de répartition en une seule année. En d’autres termes, si ces rentrées annuelles de 10 milliards USD venaient à disparaître du jour au lendemain, cela pourrait fort bien conduire à la faillite la plupart des grands constructeurs d’équipements de télécommunication.

Mais le seul fait que les sommes en jeu soient très importantes ne veut pas dire qu’elles soient justifiées. Chacun sait que les taxes de règlement des comptes sont sensiblement supérieures au coût réel d’établissement des communications internationales. Bien que ces taxes aient baissé de 9% par an en moyenne depuis l’approbation par les Membres de l’UIT, en 1992, de la Recommandation UIT–T D.140, elles ne sont toujours pas orientées vers les coûts, car le coût des communications internationales a baissé encore plus rapidement. L’UIT estime que les taxes de règlement des comptes devraient rarement dépasser 0,25 USD par minute et devraient même, pour la plupart, être sensiblement inférieures. Seules feraient généralement exception à cette
règle les communications avec les pays les moins avancés ou celles dont les coûts de transit sont élevés.

Que fait l’UIT pour accélérer le processus?

Cela revient à se demander ce que fait l’UIT pour instaurer des relations économiques plus rationnelles entre ses Membres. Elle a mené et publié des études sur les services de télécommunication internationaux, notamment le rapport intitulé Direction of Traffic (Direction du trafic) et le Rapport sur le développement mondial des télécommunications. En association avec l’Organi-sation des télécommunications du Commonwealth (OTC), l’UIT a par ailleurs commandité neuf études de cas sur l’évolution de l’environnement international des télécommunications, qui seront publiées lors du Deuxième Forum mondial des politiques de télécommunication.

L’UIT a en outre organisé plusieurs séminaires spécialisés, notamment la réunion du Groupe informel d’experts sur la réforme du système de règlement des comptes internationaux de télécommunication et le Septième Colloque sur la réglementation (voir l’article de David Leive, page 28). La plupart des informations à ce sujet se trouvent sur le site Web de l’UIT http://www.itu.int/

Par l’entremise de notre Secteur du développement des télécommunications (UIT–D), nous avons aidé nos Membres à mener des études de coût, à mettre en oeuvre des programmes de rééquilibrage des tarifs et à concrétiser les engagements qu’ils ont pris dans le cadre de l’Accord sur les services de télécommunication de base de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Par le biais de la Commission d’études 3 du Secteur de la normalisation des télécommunications (UIT–T), nous nous sommes employés à adapter le régime actuel de règlement bilatéral des comptes à un environnement plus concurrentiel. A sa dernière réunion, qui a pris fin le 11 décembre 1997, la Commission d’études 3 a soumis un projet de révision de la Recommandation UIT–T D.150 qui reconnaît aux opérateurs, dans un environnement libéralisé, la possibilité de choisir, par accord bilatéral, une formule parmi un grand nombre d’options, dont les taxes de règlement des comptes et les taxes de terminaison, ou tout autre arrangement commercial mieux adapté au type de relation qu’ils établissent. Soucieuse de faire avancer les choses, la Commission d’études 3 a proposé des dispositions transitoires par lesquelles les Membres s’engageraient à ramener les taxes de règlement des comptes à un niveau inférieur à 0,5 DTS (sauf pour le trafic de transit) d’ici à la fin de 1998. Ce qui importe en l’occurrence n’est pas le montant en soi, qui est encore sensiblement supérieur au coût de la plupart des relations, mais le fait qu’un objectif officiel ait été fixé. C’est un point de départ à partir duquel de nouvelles réductions peuvent maintenant être négociées.

Ces derniers mois, l’UIT s’est essentiellement consacrée, dans ce domaine, aux travaux prépa-ratoires et à l’organisation du Deuxième Forum mondial des politiques de télécommunication, consacré au commerce des services de télécommunication. Ce Forum permettra d’étudier comment les Membres de l’UIT pourront s’engager, à un niveau multilatéral, sur la voie de la réforme des taxes de répartition; il permettra également d’examiner la question plus générale de l’adaptation au nouvel environnement issu de l’accord de l’OMC sur le commerce des services de télécommunication.

Quelles seront les conséquences de cette évolution
pour les entreprises, grandes ou petites?

Cette évolution aura pour conséquence la plus visible dans les années à venir de ramener le prix d’une communication internationale à un niveau beaucoup plus proche de celui d’une communication nationale. A l’heure actuelle, le prix d’une communication internationale est au moins trois fois supérieur et, bien souvent, près de dix fois supérieur à celui d’une communication nationale. Je table sur une réduction considérable de ces écarts de prix. Cela prendra du temps, mais tel est déjà le cas sur Internet où les prix des communications sont dans une large mesure indépendants de la distance.

Le «club» actuel des grands opérateurs de télécommunication ne renoncera pas de gaieté de coeur aux bénéfices considérables que leur procurent les communications internationales, mais l’évolution est inévitable. A l’heure où la réforme se fera, il n’en coûtera guère plus aux utilisateurs des services de télécommunication de s’adresser à un fournisseur étranger plutôt qu’à un fournisseur local. C’est là l’élément clé du processus de mondialisation des marchés dont nous entendons tant parler.

On peut dire que le marché des télécommunications sera l’un des derniers grands marchés à être gagné par le processus actuel de mondialisation — le trafic international de télécommunication ne représente qu’un faible pourcentage de l’ensemble du trafic de télécommunication — mais, lorsqu’il le sera, cela aura des répercussions profondes sur tous les autres secteurs d’activité économique. Comme indiqué dans sa Constitution, l’UIT a pour objet d’oeuvrer à «l’établissement de tarifs à des niveaux aussi bas que possible, compatibles avec un service de bonne qualité». Pour les utilisateurs des services de télécommunication, cet objectif ne saurait être atteint trop tôt.

 

Ce texte est extrait du numéro 2/98 des Nouvelles de l'UIT