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La raison d'être du FMPT

Le deuxième Forum mondial des politiques de télécommunication de l'UIT se tiendra au Centre international des conférences de Genève du 16 au 18 mars. Organisé par l'UIT pour répondre à des problèmes urgents et importants auxquels l'industrie des télécommunications à faire face, le Forum étudiera cette année l'évolution du monde des télécommunications à la lumière de l'Accord sur les télécommunications de base de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui est entré en vigueur le 5 février 1998. Ce nouvel Accord transformera le secteur des télécommunications tel que nous le connaissons à l'heure actuelle en ouvrant les marchés à la concurrence mondiale et en élargissant les catégories de services offerts. Pour les opérateurs, les revendeurs et les clients, une seule chose est certaine: le monde des télécommunications ne sera plus jamais le même.

Que s'est-il donc passé?

L'industrie des télécommunications a connu beaucoup de grands bouleversements depuis 150 ans environ qu'elle existe mais il s'agissait, pour l'essentiel, de transformations techniques - l'invention du téléphone et la découverte des radiocommunications, par exemple, et des innovations dans l'équipement des réseaux de télécommunication et dans la technologie des satellites.

Aujourd'hui cette industrie enregistre des changements plus fondamentaux qui concernent les bases économiques mêmes sur lesquels les systèmes mondiaux de télécommunication reposent. Le démantèlement des vieilles structures fait suite à des changements qui se sont déjà produits au niveau national dans de nombreuses régions du monde. Quelque 72 pays se sont engagés à ouvrir progressivement leurs marchés des télécommunications dans le cadre de l'Accord sur les télécommunications de base. Même si cet Accord n'a été conclu que l'an dernier, il s'agit en fait de la reconnaissance officielle d'un jeu de forces qui ont commencé à faire sentir leur influence dans le monde dès la deuxième moitié des années 1980. L'Accord met en place un nouveau paysage en matière de télécommunications qui, en grande partie, constituera un "territoire inexploré" pour les opérateurs, les autorités chargées de la réglementation et les usagers des télécommunications.

L'ancien et le nouveau

Pour étudier exactement ce qui est en train de changer, il faut remonter aux premiers jours des télécommunications. Dans les années 1860, lorsque l'UIT a été fondée, les télécommunications consistaient uniquement en un échange de trafic télégraphique qui était envoyé, reçu et retransmis avec peine par des équipes d'opérateurs égrenés le long des premières voies télégraphiques internationales. Ces premières années-là, les lignes nationales étaient isolées les unes des autres et des messagers étaient obligés de porter physiquement les messages de la dernière station sur la frontière à travers cette frontière jusqu'à l'opérateur du pays voisin qui devait le retransmettre.

Peu à peu, au fur et à mesure que les techniques se sont améliorées et qu'il a été possible d'interconnecter les lignes, des accords régionaux touchant le trafic télégraphique transfrontières ont été conclus. Toutefois, le système était encore lourd, imposait beaucoup d'opérations inutiles de retransmission et entraînait des retards et un grand nombre d'erreurs dues au fait que les textes étaient recopiés à diverses reprises. Finalement, un groupe international dirigé par les Français a décidé de rassembler les nombreux accords régionaux existants en une première Convention internationale sur le télégraphe qui a été signée le 17 mai 1865.

En ce jour historique, il y a plus de 130 ans, les vingt signataires originaires de la Convention ont mis au point un système de paiement permettant, entre les pays d'origine et de destination, un partage équitable des taxes et des redevances dues pour la transmission du trafic télégraphique international. Il est intéressant de noter que bon nombre de ces premiers signataires ont cessé d'exister en tant qu'Etats souverains, tandis que le système qu'ils ont mis en place pour réglementer l'échange du trafic international a survécu jusqu'à nos jours, même si certaines modifications ont été apportées à sa forme originale.

Ce système, connu dans le secteur des télécommunications sous le nom de système de répartition international des taxes, a plus ou moins marché à la satisfaction des opérateurs depuis qu'il existe. Cela dit, à l'heure actuelle, les nouvelles méthodes employées pour fournir les services de télécommunication ont placé ce système sur la liste des "espèces en voie de disparition".

Les changements sont là

L'ancien système de répartition des taxes a bien fonctionné parce que les services de télécommunication étaient presque exclusivement fournis par des exploitants monopolistiques qui intervenaient dans un environnement relativement stable et homogène. La méthode du partage des recettes obtenues pour un appel international était donc relativement simple: l'opérateur monopolistique à l'origine de l'appel partageait la moitié des recettes avec l'opérateur monopolistique assurant l'aboutissement de l'appel et vice versa. Très souvent, l'un et l'autre étaient plus ou moins quittes en fin de compte étant donné que le volume d'appels dans les deux sens était à peu près le même et la tarification par minute des appels était relativement homogène d'un opérateur à l'autre.

De nos jours toutefois, la plupart des critères sur lesquels reposait le système de répartition des taxes ne sont plus applicables. Le rythme variable de la libéralisation des télécommunications selon les marchés, venant s'ajouter à un déséquilibre croissant du trafic entre les pays et à une fixation de prix plus compétitifs, a entraîné une lente érosion des fondements mêmes du système. Dernièrement, certains protagonistes - essentiellement la Commission fédérale des communications des Etats-Unis - ont exercé de fortes pressions pour obtenir la réforme du système en faisant valoir que celui-ci pénalisait ceux des exploitants et des pays qui généraient beaucoup plus de trafic sortant qu'ils ne recevaient de trafic entrant et donc effectuent d'importants versements à d'autres pays pour payer l'aboutissement de leurs appels. Selon d'autres arguments, les déséquilibres qui se sont récemment produits dans les échanges de trafic sont imputables aux pratiques d'appel de substitution parallèles telles que le reroutage international et le rappel, qui acheminent artificiellement le trafic par des pays de transit pour profiter de tarifs meilleur marché. Il en résulte dans la pratique un renversement de l'acheminement du trafic qui fait que le trafic qui aurait dû procurer une entrée de fonds à un opérateur devient un trafic sortant pour lequel cet opérateur doit payer. Les opérateurs pratiquant le rappel et le reroutage sont essentiellement installés aux Etats-Unis.

Un système équitable?

La question de savoir si le système de taxes de répartition actuel est vraiment injuste pour certains opérateurs est ouverte à controverse. Certainement, de grands "exportateurs" de communication tels que les Etats-Unis sont obligés, pour faire aboutir leurs appels internationaux, de payer beaucoup plus qu'ils ne récupèrent. Il est également vrai que la clé de répartition appliquée par certains pays dépasse de loin le coût effectif de l'opération consistant à faire aboutir l'appel.

Toutefois, il ne faut pas oublier, au moment où les pays industrialisés réclament des taxes de répartition "fondées sur les coûts" qui réduiraient les taxes pour les appels internationaux, qu'il y a souvent de bonnes raisons pour que la tarification des appels varie d'un pays à l'autre.

A l'heure actuelle, on pourrait sans doute dire sans se tromper que bon nombre de pays où les quotes-parts de répartition internationales sont élevées sont des pays en développement dont le marché intérieur des télécommunications est relativement limité. Ces pays, que l'on trouve fréquemment en Afrique ou dans des régions éloignées telles que les îles du Pacifique, sont contraints de gérer leurs réseaux de télécommunication de manière très différente de leurs riches cousins.

Avant tout, pour la plupart de ces pays, le coût d'un équipement de réseau est exorbitant. Le matériel de télécommunications doit être importé presque intégralement et payé en devises étrangères, lesquelles font défaut. En outre, la configuration du terrain, isolé et d'accès géographiquement difficile, signifie pour de nombreux pays en développement que le coût de l'installation de lignes terrestres dépasse de loin ce que l'administration des télécommunications peut jamais espérer récupérer grâce aux recettes des appels, car les abonnés sont souvent des communautés éparpillées et à faible revenu. Finalement, les recettes tirées des appels internationaux sont souvent une des rares sources de devises fortes pour ces pays qui utilisent le revenu obtenu grâce aux télécommunications pour financer leurs onéreux programmes d'entretien et d'expansion des réseaux et d'autres services publics tels que la santé ou les transports. Les appels internationaux étant généralement demandés par des entreprises ou par des particuliers relativement aisés, on a longtemps considéré plus pratique de faire payer légèrement plus ces abonnés pour aider à subventionner l'exploitation du réseau local plus souvent utilisé par des abonnés à faible revenu. Les pays en développement craignent que le rééquilibrage des tarifs ne prive en fait d'un accès, déjà limité, aux télécommunications la majeure partie de la population qui ne pourrait pas se permettre de payer davantage pour les appels intérieurs.

A l'heure actuelle, le système de taxes de répartition assure le cadre dans lequel quelque 10 milliards de dollars par an sont versés par le nord développé au sud en développement. Pour replacer cela dans le contexte approprié, disons que si vous additionnez tous les programmes de prêts dans le domaine des télécommunications de toutes les banques de développement du monde - la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, etc. - le total que ces banques ont investi pendant la première moitié des années 1990 resterait inférieur aux sommes que procure en une seule année le système des taxes de répartition.

Etant donné ce qui précède, il est sans doute compréhensible que les pays en développement s'estiment désavantagés par rapport aux pays riches tels que les Etats-Unis qui profitent d'un équipement à un prix relativement bas, d'un grand marché de consommateurs ayant les moyens de se payer des services de télécommunication et d'opérateurs nationaux assez solides pour pouvoir lutter âprement pour obtenir la faveur du consommateur en pratiquant une politique de bas prix et d'offres spéciales. En revanche, il est également vrai que le système actuel, tel qu'il est, favorise le relèvement des prix et donne une prime à l'inefficacité. Le nombre d'opérateurs actuellement mécontents des dispositions en vigueur, ajouté au fait qu'il s'agit généralement d'opérateurs dotés d'un grand poids économique, fait que le vieux système en place se retrouvera sans doute bientôt jeté aux orties.

Les 188 Etats Membres de l'UIT ont reconnu il y a plusieurs années qu'il faudrait un nouveau système mieux adapté aux nouvelles conditions du marché des télécommunications. Pour ce faire, des travaux ont été menés dans le cadre de la Commission d'études 3 du Secteur de la normalisation des télécommunications de l'Union pour élaborer de nouvelles dispositions qui avantageraient toutes les parties concernées. Lors de la dernière réunion qui s'est terminée au début du mois de décembre de l'année dernière, le Groupe a enregistré des progrès encourageants dans ses efforts pour définir des arrangements souples qui permettent de se rapprocher d'un système de taxes de répartition fondées sur les coûts tout en maintenant un équilibre protégeant les pays qui seraient amenés à souffrir d'une évolution trop rapide du système actuel. En particulier, le Groupe a approuvé un nouveau texte (proposé en annexe à la Recommandation UIT-T D.140 , Principes relatifs aux taxes de répartition applicables au service international) où il est recommandé de ramener les taxes d'ici la fin de 1998 à moins d'un DTS (voir glossaire). La Commission d'études 3 travaille également à l'établissement de nouveaux systèmes de rémunération tels que les taxes de terminaison qui seraient ajoutés à la Recommandation UIT-T D.150 (Nouveaux régimes d'établissement des comptes téléphoniques internationaux). Ces travaux se poursuivront et devraient bénéficier de l'essor qu'apportera le Forum mondial des politiques de télécommunication.

Ce Forum rassemblera des opérateurs, des décideurs et des représentants d'organismes responsables de la réglementation venus du monde entier qui pourront exprimer leurs points de vue et discuter librement des problèmes rencontrés et des possibilités envisageables. Comme catalyseur de la communication entre les différentes parties en présence, l'UIT occupe une position sans pareille qui lui donne l'avantage d'avoir parmi ses Membres la plupart des administrations des télécommunications du monde entier. Par ailleurs, en tant qu'institution spécialisée des Nations Unies, l'Union est largement reconnue et acceptée comme étant un organisme impartial qui cherche à aider ses membres à parvenir à des décisions équitables et équilibrées qui tiennent compte du point de vue de tous les pays. Finalement, l'Union peut être fière de l'impressionnante liste de résultats tangibles qu'elle a obtenus: c'est ainsi que le premier Forum mondial des politiques de télécommunication, tenu en 1996, a débouché sur l'adoption d'un important Mémorandum d'accord sur de nouveaux types de systèmes mondiaux de satellites tandis que, l'an dernier, la Conférence mondiale des radiocommunications a pris d'importantes mesures pour s'assurer que ces nouveaux systèmes seront déployés de telle manière qu'ils seront accessibles à une large gamme d'opérateurs et pour veiller à ce qu'ils donnent le choix entre différents dispositifs.

Au Forum de cette année, l'UIT, ses Etats Membres et les Membres du Secteur s'attaqueront à un problème d'une grande complexité. On a cependant toute raison de penser que des progrès sensibles pourront être réalisés, si les participants font preuve du même esprit de coopération qui a amené à la réussite du dernier Forum. Pour l'UIT, qui a pour mission de promouvoir la baisse des prix des télécommunications dans le monde entier et de favoriser la fourniture de services de télécommunication au plus grand nombre possible de gens dans le monde entier, le meilleur résultat qui puisse être obtenu serait un système qui, en dernière instance, profite au consommateur et mette à la portée de chacun des services de télécommunication meilleur marché et plus efficaces.