Journée mondiale des télécommunications 1999

IHT 17 mai 1999


Les aléas des échanges d'information

L'essor du commerce électronique repose sur une question clé - et toujours controversée : la sécurité.


Toute transaction électronique implique un échange d'informations - sur les produits et les tarifs du vendeur, sur les coordonnées financières de l'acheteur (carte de crédit ou données bancaires) ainsi que sur ses préférences en matière d'achat.

D'après Chris Christiansen, directeur de programme du Service de la sécurité sur Internet de International Data Corporation (IDC), ces renseignements présentent des avantages et des inconvénients pour les entreprises. Le commerce électronique, fait-il observer, peut ''faire monter en flèche les recettes et faire baisser les cožts, mais il rend les réseaux et les serveurs vulnérables aux attaques extérieures et, plus grave, internes''.

Les consommateurs se retrouvent face au même dilemme. Grâce au commerce électronique, ils peuvent accéder facilement à toute une gamme de marchandises et se voir proposer des offres sur mesure d'autant que les entreprises connaissent leurs gožts et préférences. Le revers de la médaille: une mauvaise utilisation de cette information par les entreprises ou la vente des données à d'autres commerçants à l'insu du consommateur. Dans un récent rapport, l'Union internationale des télécommunications rappelle qu'on s'est beaucoup préoccupé de l'utilisation voire de la mauvaise utilisation potentielle des données personnelles par les opérateurs de sites Web alors que ce sont les compagnies de téléphone qui détiennent les bases de données les plus vastes et les plus accessibles sur les usagers.

Il suffit de payer

Les entreprises peuvent minimiser les risques sécuritaires en achetant de la protection. Selon l'IDC, le marché mondial des logiciels de sécurité destinés à Internet a plus que doublé entre 1997 (2 milliards de dollars de ventes) et 1998 (plus de 3 milliards de dollars). Elle estime ce marché à 4,2 milliards de dollars en 1999 et à 7,4 d'ici 2002, en incluant des sous-marchés tels que les logiciels de chiffrement, anti-virus, de certification, authentification et administration.

Malgré l'apparition de nouvelles techniques qui permettent aux usagers d'Internet, même occasionnels, de garder l'anonymat en ligne, les consommateurs connectés (ou non) comptent sur les pouvoirs publics pour assurer leur protection par le biais de la réglementation.

En 1997, la Commission européenne a élaboré une directive sur la protection des données personnelles, qui a abouti à un différend avec les Etats-Unis.

Bien que les positions se soient sen-siblement rapprochées ces dernières semaines, il n'est toujours pas réglé. De manière générale, l'Europe préconise l'intervention de l'Etat tandis que les Etats-Unis préfèrent laisser jouer les forces du marché.

Selon Arthur Levin, juriste à l'Union internationale des télécommunications (UIT), ''Au moment de choisir entre confidentialité et information, les Etats-Unis tendent à accorder davantage d'importance aux intérêts commerciaux tandis que l'Europe penche plus pour la protection des intérêts du particulier''.

A la défense de la vie privée du con-sommateur s'oppose la lutte contre les activités criminelles. La plupart de pays s'accordent à reconnaître que les particuliers ont droit à la confidentialité de leurs informations personnelles. Mais s'ils peuvent utiliser des techniques de chiffrement (méthodes mathématiques utilisées pour garder secrètes les informations enregistrées), force est de cons-tater que les criminels et les terroristes politiques, qui constituent une menace pour la société, peuvent en faire autant. Les droits de la police ou des responsables de la sécurité nationale l'emportent-ils sur ceux du particulier? Il n'existe à ce jour aucun consensus international et de nombreux pays les opinions sont divisées y compris aux Etats-Unis.

Selon l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), des mesures s'imposent pour garantir que l'information liée aux tran-sactions du commerce électronique ne puisse pas être utilisée à des fins autres que celles pour lesquelles elles sont enregistrées, en particulier lorsque les bases de données sont transférées d'une juridiction à une autre. Le Transatlantic Business Dialogue, groupe industriel nord-américain et européen qui s'efforce d'élaborer des propositions en matière de commerce électronique, est d'avis qu'une réglementation trop stricte de protection de la vie privée risque de nuire aux échanges commerciaux. S'agissant de la protection des consommateurs, ce groupe est favorable à l'adoption de solutions contractuelles et à l'autorégulation.

Claudia Flisi