Journée mondiale des télécommunications 1999

IHT 17 mai 1999


Le développement technologique ne suffit pas


Parmi toutes les nouvelles applications qui marquent l'avènement de l'ère de l'information, le commerce électronique est peut-être celle qui est appelée à transformer les relations économiques qui vont définir notre mode de vie au XXIe siècle de la façon la plus radicale.

Déjà, les analystes nous disent que, dans moins de dix ans, la valeur totale des échanges commerciaux réalisés sur le Web sera comprise entre 1 000 et 3 000 milliards de dollars EU. Mais, pour réaliser pleinement le potentiel du commerce électronique, nous devons agir sans délai, nous devons constituer une infrastructure de l'information véritablement mondiale garantissant non seulement la sécurité et la fiabilité des opérations électroniques, mais également leur rentabilité.

A l'heure actuelle, diverses questions de cožt continuent de faire obstacle à l'essor du commerce en ligne - ainsi de la tarification des lignes louées à grand débit, ou encore de certaines structures tarifaires héritées d'un passé où prédominait la téléphonie vocale. S'ils veulent vraiment favoriser la croissance du commerce électronique, les exploitants du monde entier devront restructurer leurs tarifs en fonction des nouvelles utilisations, puisque c'est désormais la communication de données qui prédomine, tout en veillant à ce que les entreprises aient accès à une infrastructure de télécommunication appropriée et financièrement abordable.

La mise en place d'une infrastructure mondiale de l'information au service de toutes les populations du globe et non pas seulement de celles des nations riches, est l'un des objectifs stratégiques de l'Union internationale des télécommunications. Et c'est compte tenu de cet objectif que l'UIT s'efforce d'établir des normes universelles couvrant aussi bien les architectures de réseau les plus modernes que la sécurité des systèmes ou encore les moyens d'autorisation numérique, pour ne citer que quelques exemples.

Mais la seule évolution technique ne suffira pas. Les pouvoirs publics et les instances de réglementation vont devoir traiter le problème des tarifs d'interconnexion, qui peuvent faciliter - ou entraver - la concurrence entre les prestataires de services Internet, dont le rôle décisif permettra de faire du commerce électronique une réalité pour les consommateurs. Les politiques et les réglementations, en apportant des solutions aux mille et une questions que pose le développement du commerce électronique, - questions de liberté des échanges transfrontières, d'arbitrage et de résolution des différents, de souveraineté nationale et de protection des consommateurs - c'est-à-dire en instaurant la confiance requise pour qu'une activité économique en ligne puisse facilement être envisagée à grande échelle, seront en l'occurrence déterminante.

Naturellement, les pays en développement se heurtent à des problèmes spécifiques. L'insuffisance générale de l'accès aux moyens et services de télécommunication de base, qui sont les vecteurs de tous les types d'opérations électroniques, est l'un des principaux obstacles majeurs à surmonter de toute urgence si l'on veut que les nations les plus pauvres de la planète ne soient pas de nouveau distancées, alors que, partout, l'on s'efforce de créer les nouveaux marchés du commerce électronique.

Certes, un grand nombre de pays ne disposent pas des ressources qui leur permettraient de remédier seuls au problème que posent des réseaux obsolètes, voire inexistants. Mais la mise en oeuvre de nouvelles stratégies d'accès, articulées sur le concept de télécentre communautaire, faisant appel à des techniques peu onéreuses comme les systèmes d'accès hertziens ou prévoyant des alliances mutuellement profitables avec le secteur privé, pourrait contribuer pour beaucoup à combler rapidement le fossé du développement.

Parallèlement, l'élaboration de réglementations efficaces, de cadres directeurs solidement étayés par des principes clairs et transparents, ouvrira la porte aux investissements et facilitera l'introduction des nouvelles applications du commerce électronique qui, à leur tour, stimuleront les ventes en ligne.

Consciente des impressionnants débouchés économiques que le commerce électronique offre aux pays du monde en développement, l'UIT a entrepris de financer un projet pilote qui a spécifiquement pour objet de promouvoir les échanges en ligne. Le modèle EC/DC (le commerce électronique au service des pays en développement) montre comment la mise en commun des ressources peut aider les entreprises et entrepreneurs locaux à partager le cožt de l'accès et exploiter au mieux les infrastructures de télécommunication existantes.

L'énorme potentiel du commerce électronique, qui peut être la clé de la prospérité pour les nations les plus pauvres, entraîne un impératif pour l'UIT, les Etats et les instances nationales de réglementation des télécommunications: il faut agir rapidement pour exploiter les initiatives que l'on commence à observer dans les régions en développement. En effet, le commerce électronique pourrait bien, pour le monde en développement, offrir la meilleure chance à ce jour de convertir les modèles économiques défavorables du XXe siècle en une structure commerciale mondiale donnant à tous les pays une possibilité d'égale participation.

Yoshio Utsumi
Secrétaire général
Union Internationale des Télécommunications