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Cérémonie de remise du Prix UIT de la société mondiale de l'information
17 mai 2006

Déclaration du LAURÈAT Maitre Abdoulaye Wade
Président du Sénégal

Monsieur le Secrétaire général de l'UIT,
Monsieur le Représentant du Secrétaire général des Nations Unies,
Monsieur le Représentant de la Confédération suisse,
Professeur Mohamed Yunus, Managing Director of Grameen Bank,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale du Sénégal,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs les représentants des institutions spécialisées,
Mesdames, Messieurs les membres de la direction du Fonds de solidarité numérique,
Chers invités, Mesdames, Messieurs,

Ce 17 mai 2006 marquant la célébration de la première Journée mondiale de la solidarité de la société de l'information est une étape historique dans les efforts que mène la communauté internationale pour sensibiliser l'opinion publique et les décideurs en particulier, quant aux formidables opportunités que les technologies de l'information et de la communication offrent aux peuples du monde.

Je suis heureux et fier d'être associé à un évènement d'une dimension aussi porteuse d'espoir que cette journée.

En portant son choix sur ma modeste personne pour recevoir conjointement avec le professeur Mohamed Yunus ce premier prix de la société de l'information, l'Union internationale des télécommunications honore en réalité mon pays, le Sénégal, mon continent, l'Afrique, et mieux encore, l'équipe des africains de tous pays qui ont essayé de donner un corps à une idée que j'avais simplement émise. Ce prix va tout naturellement à l'Afrique, car c'est décembre 2003, ici même à Genève, que j'avais proposé le concept de Fonds de solidarité numérique.

J'accepte volontiers ce prix, moins comme une récompense qu'un encouragement à poursuivre avec toutes les bonnes volontés la vulgarisation de l'ordinateur, l'accès du sud au web pour lui puiser formation et connaissances qui lui permettraient de rattraper son retard.

Je vais saluer mon co-récipiendaire, Monsieur Yunus, que j'ai le plaisir de rencontrer pour la première fois, et lui féliciter pour toutes ses initiatives nombreuses et généreuses et lui dire que son exemple est connu à travers le monde entier, et qu'un continent comme l'Afrique, continent aussi de pauvres, saura profiter de son expérience pour changer sa condition.

Je mesure à sa juste valeur la contribution inestimable que le professeur Yunus apporte ainsi à la diffusion la plus large possible des techniques de l'information et de la communication, notamment dans le domaine de la lutte contre la pauvreté, comme il vient de le montrer, ce qui lui vaut, d'ailleurs, le surnom de "banquier des pauvres".

J'ai toujours pensé qu'une société de l'information plus équilibrée et plus harmonieuse devrait être fondée sur une généralisation de l'accès à l'outil informatique pour éviter aux pays en retard dans ce domaine les risques d'une marginalisation irréversible. Donner à tous la possibilité de se connecter, d'être à l'écoute, de se faire entendre et de suivre la marche du monde: tel est le sens fondamental du Fonds de solidarité numérique.

Voilà pourquoi, au-delà même de l'honneur qui m'est fait, j'apprécie positivement que l'UIT maintienne ce dossier de l'information au coeur de l'agenda international.

Mesdames, Messieurs,

Le web, dans ses différentes applications est devenu partie intégrante des affaires du monde contemporain. Qu'on soit du nord ou du sud, notre vie est influencée par les bouleversements de l'internet.

En somme, si vous n'allez pas vers le monde, le monde quand même toujours frapper à votre porte.

On communique pour le meilleur, et hélas, on communique aussi pour le pire. Vous avez fait allusion, tout à l'heure, Monsieur le Secrétaire général de l'UIT, à la cybercriminalité. Nous sommes donc tous concernés par le numérique, soit par les actes que nous posons, soit par les conséquences que nous subissons. Toute la dimension de la mondialisation, portée par les valeurs des technologies de l'information et de la communication se résume en ces termes. On ne choisit pas d'être, dans ou en dehors de la mondialisation. On y est par la force des choses.

Comme je le disais lors d'un séminaire que mon gouvernement avait consacré récemment à la mondialisation, même si on n'est pas d'accord sur le fait que la Terre tourne, elle continue quand même son mouvement.

C'est ce constat d'une rationalité toute simple qui fonde mon pari sur la vulgarisation des technologies de l'information et de la communication. C'est un rendez-vous avec l'histoire que nos peuples ne devraient pas manquer.

J'ai eu l'occasion de rappeler que le monde depuis sa création était de plus en plus divisé en deux communautés: celle qui communique, et celle qui ne communique pas. Et, heureusement, aujourd'hui l'internet nous permet de combler ce gap digital, dont le Fonds de solidarité numérique est un mécanisme approprié.

Je demeure convaincu que la rencontre des cultures n'aura jamais facilité autant le rapprochement des hommes que l'application des nouvelles technologies. Le web, à l'image des anciennes écoles de la Grèce antique doit être vu comme un immense espace où le donner et le recevoir, comme dirait Senghor, de l'esprit et de la connaissance se rencontrent sans frontières et sans préjugés. L'une des illustrations qui aujourd'hui me fascine le plus est le modèle du Wikipédia. Voilà une immense encyclopédie électronique de la connaissance mondiale, régulièrement et généreusement mise à jour gratuitement accessible à tout chercheur et donc à tout africain en quête de savoir. Car, enfin, nous autres africains, que demandons-nous? Tout simplement l'accès à la connaissance, car comme je le disais, l'intelligence est la chose la mieux partagée du monde.

De par sa superficie, sa taille démographique et son potentiel en ressources naturelles, mon pays n'a pas d'atouts particuliers. Dès lors nous avons misé sur la qualité de nos ressources humaines, et c'est pourquoi je consacre 40 pour cent du budget national à l'éducation et à la formation, pensant être, d'ailleurs, le seul pays à atteindre cet objectif, et a rappeler que l'objectif de l'Union africain est de 20 pour cent. C'est ce qui fait, d'ailleurs, que l'Unesco a classé le Sénégal comme leader mondial de l'éducation.

En faisant confiance au génie créateur du peuple sénégalais, mon ambition est de créer un système intégré où, du préscolaire à l'université, l'usage de l'ordinateur est omniprésent dans le cursus de l'apprenant.

Nous avons dans ce sens lancé depuis quelques années la Case des tous petits où les enfants de deux à six ans apprennent à se familiariser avec les jouets modernes dont l'ordinateur de jeu, ce qui fait que la génération de la Case des tous petits sera une génération très particulière qui saura vivre dans son siècle.
Je considère, en effet, que l'outil informatique est avant tout un outil. Cette lapalissade est cependant contrariée par fracture numérique. Elle veut en effet faire de cet outil une fin ou un luxe dont les seuls bénéficiaires doivent être choisis selon des critères qui échappent à tout esprit épris de connaissance et de réalisation. Car, il faut le rappeler, l'esprit sincère qui a pour culte le savoir sait qu'en le partageant il lui donne l'opportunité de grandir pour le bien de tous. Le programme que j'ai lancé "un étudiant un ordinateur, un enseignant, un ordinateur", il y a quelques années au Sénégal, s'inscrit dans cette démarche.

Cela n'est plus un rêve depuis que le maire de Besançon et le Président directeur général de la Compagnie AXA m'ont offerts 30 000 ordinateurs à reconditionner. Cela veut dire que le réseau de solidarité numérique que je suis en train de créer au Sénégal recevra peut-être plus d'ordinateurs qu'il n'en faut. Mais il en suffira d'un par sénégalais et je serais satisfait. Car l'ordinateur n'est pas un luxe, contrairement à ce qu'on a dit. Quelqu'un disait une fois, "mais le Président Wade, au lieu de nous parler de l'ordinateur, qu'il nous parle des moyens par lesquels nous pourrons nourrir nos populations". Eh bien, c'est simplement de l'ignorance, car l'ordinateur est aussi utile dans l'agriculture que dans les bureaux ou dans les usines.

Beaucoup de fermes modernes sont gérées aujourd'hui par l'ordinateur, et elles fonctionnent d'autant mieux grâce aux économies de toutes sortes, et aussi grâce à la culture de l'efficacité. Comme je le disais, l'ordinateur est un outil, ni plus, ni moins.

C'est dans le même esprit que j'ai lancé l'Université du futur africain, qui est en construction avancée. Et je signale que l'UFA a pour vocation de recevoir tout étudiant africain sans distinction de pays d'origine qui remplit les critères pédagogiques et qui soit bilingue.

Cet établissement universitaire futuriste sera équipé d'infrastructures de télécommunications de pointe pour permettre à ses étudiants de se connecter à un réseau d'universités partenaires pour suivre des cours en temps réel par satellite. A la fin de leur cursus, ces étudiants, qui n'auront pas besoin d'aller aux Etats-Unis ou en Europe pour accéder à la connaissance, recevront les mêmes diplômes que ceux décernés par les universités partenaires et non des équivalents.
Nous comptons par ce biais contribuer à la lutte contre la fuite des cerveaux dont souffre le continent africain.

Avec l'intranet gouvernemental qui relie les différents pôles de l'administration locale au Sénégal, en attendant la connexion avec nos représentations extérieures, nous avons déjà réduit de manière considérable la facture téléphonique du gouvernement.

Nous avons d'ailleurs lancé un programme d'intranet au niveau de la CEDAO et bientôt au niveau de l'Union africaine et ceci avec la coopération de certaines sociétés internationales spécialisées.

Mesdames, Messieurs,

J'ai été informé que le Sénégal était le second pays au monde après le Japon à avoir relié ses administrations par un réseau unique de fibre optique. Cette réalisation, produit de l'expertise des jeunes experts sénégalais, et de l'appui financier de la Banque mondiale, a été facilité par la mise en place de réformes institutionnelles qui ont abouti à la création de l'agence de l'informatique de l'Etat du Sénégal. Cet agence a permis à des ingénieurs et informaticiens sénégalais formés et travaillant à l'extérieur de rentrer dans leur pays et d'y exprimer leurs compétences de manière valorisante.

En outre, le Sénégal travaille actuellement avec une compagnie partenaire pour lancer un logiciel en Wolof, une de nos langues nationales.

Puisque nous sommes ici dans le cercle familial des Nations Unies, je voudrais me féliciter du choix que l'Organisation mondiale a porté sur le Sénégal pour abriter le siège du parc scientifique et technologique africain.

En optant pour le Sénégal alors que d'autres pays ont aussi été candidats, je pense que l'ONU a surtout voulu faire confiance à la qualité des infrastructures et de l'expertise sénégalaises pour accueillir ce parc dont les domaines d'activité couvrent plusieurs secteurs, notamment la robotique, l'informatique, les biotechnologies et la mécanique industrielle.

A propos de robotique, j'arrive des Etats-Unis et, il s'est produit un évènement extrêmement intéressant: un jeune sénégalais venait de gagner un concours international de robotique, et au moment où il se rendait avec ses camarades dans une autre ville pour une deuxième étape, alors que les autres avec des cartes de crédit et avaient pu réussir à payer leur billet. Il n'en avait pas, et ainsi lui, il était en situation irrégulière aux Etats-Unis. Mais son exploit a été tel que sa situation a été prise en charge par l'ensemble de la presse et le Président Bush lui-même s'est intéressé à lui. Mais j'ai ajouté, vous pouvez le garder pour quelques années d'expérience, mais il faudra bien qu'il rentre au Sénégal.

Mesdames, Messieurs, je me réjouis de la nouvelle dimension de la coopération sud-sud dans le domaine de la solidarité numérique. En effet, l'Inde et l'Afrique viennent de lancer un ambitieux programme de coopération pour la télémédecine, la gouvernance et la formation à distance à travers un réseau satellitaire reliant tous les pays africains à l'Inde, et dont le hub se trouve à Dakar. Je veux aussi saluer mon frère ami, le Président Ben Ali, représenté ici par le Ministre de l'information, pour avoir été le premier pays d'Afrique à comprendre l'importance des technologies de l'information et de la communication, et de lui avoir donné une dimension admirable. Visitant ces installations il y a trois ans je lui disais, "mon cher ami je vous rattraperais dans trois ans". Je ne l'ai pas encore rattrapé mais je suis sur la voie.

C'est dire que je félicite la Tunisie de sa position de leader en matière d'information et en matière des technologies de la communication. Je parlais de l'Inde et de l'Afrique, je disais que nous venons de lancer un ambitieux programme de coopération et nous allons entreprendre la formation à distance par un réseau satellitaire. C'est dire, Mesdames, Messieurs, que le potentiel de la solidarité numérique, par la diversité de ses moyens et la variété de ses domaines d'application, offre à l'humanité une chance jamais égalée de vaincre l'ignorance, combattre la pauvreté et assurer à tous les conditions de vie décentes parce que compatibles avec la dignité humaine.

La formidable révolution en cours ne doit laisser personne au bord de la route, et cela est possible. Les jeunes du sud, mis dans les mêmes conditions de compétition que ceux du nord, sont parfaitement capables de réaliser les meilleures performances possibles. J'ai l'habitude de dire que l'ordinateur est le domaine de la suprême démocratie où les chances sont tout à fait égales qu'un sénégalais, un indien, un chinois, un américain, et un français ou un suédois, placés devant le même ordinateur, avancent à la même vitesse qui est celle de la lumière.

Il y a une semaine je disais que j'ai rencontré un jeune sénégalais qui avait remporté un concours de robotique, mais j'en ai vu d'autres qui s'intéressent à beaucoup d'autres inventions au Sénégal où il semble qu'il y ait une véritable concurrence chez les jeunes dans le domaine de l'inventivité dans les logiciels.

Ce qui me rassure car je pense que l'Afrique ne peut s'en tirer qu'en créant, et non pas seulement en copiant des technologies qui existent, mais en les adaptant, en les améliorant et en les perfectionnant.

Mesdames, Messieurs, je dois saluer le large mouvement de solidarité, appuyé par les officiels, qui aujourd'hui se dessine dans le monde. Je dois saluer la Direction du Fonds de solidarité numérique, ce concept qui a germé ici même au bord du Lac Léman, il y a moins de trois ans. Il a pris corps et se développe selon un rythme de croissance plus que satisfaisant.

Aujourd'hui adopté par la plupart des nations du monde, le Fonds de solidarité numérique est devenu un instrument pratique de transfert de technologies vers le sud. Nous avons adopté le fameux principe de Genève qui est de plus en plus adapté et qui consiste à mettre un pour cent dans tous les marchés d'informatique.

Le Fonds de solidarité numérique a commencé à pratiquer la télémédecine dans beaucoup de pays d'Afrique, et je pense que lorsqu'il aura aidé chacun de nos pays à installer un réseau de solidarité numérique, l'Afrique ainsi équipée pourra aller à la même vitesse que les grands pays.

Je voudrais ici saluer très chaleureusement l'adhésion de la République populaire de Chine représentant un sixième de la population mondiale au Fonds de solidarité numérique.

C'est une étape historique dans la vocation universelle du Fonds qui a réussi ainsi à franchir un seuil extrêmement important au bonheur des peuples qu'il est destiné à servir.

Un tel succès est à mettre au crédit de ceux qui, dès le premier jour, ont cru en ce projet et l'ont expliqué avec pédagogie, et ont réussi à convaincre les uns et les autres.

C'est maintenant l'heure de la mise en oeuvre. A cet effet, j'ai proposé au Président Chirac, fervent défenseur de la solidarité numérique – la France ayant été le premier pays développé à adhérer à notre Fonds – je lui ai proposé d'organiser conjointement une conférence internationale sur les mécanismes de financement de la solidarité numérique qui pourrait se tenir en décembre 2006 à Paris ou à Dakar.

Assurément, nous sommes sur la bonne voie, et je suis persuadé que d'autres nous y rejoindrons.

Je ne terminerai pas sans remercier encore une fois la Direction du Fonds qui, grâce à sa foi et sa détermination, a, en si peu de temps, fait de notre institution un instrument universel de lutte contre la pauvreté.

Je souhaite enfin partager avec vous cette vérité aujourd'hui acceptée de tous et qui a été à l'origine de bien des vocations: "C'est en forgeant que l'on devient forgeron". N'entendez-vous pas la solidarité numérique vous chuchoter au coin de l'oreille: "certes, mais il faut avoir une forge!"

Je vous remercie de votre attention.

Abdoulaye Wade
Président du Sénégal

 

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Mis à jour le 2009-09-10